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œuvres des dieux que de les approfondir. » Singulier témoignage de cette curiosité d’esprit et de cette ardeur scientifique qui devinrent générales dans les premiers siècles de l’empire et qui allaient atteindre leur apogée au temps des Antonins ! On sait que dans une première expédition, vers l’an 12 avant Jésus-Christ, Drusus sortit par l’embouchure du Rhin avec une flottille de bateaux plats, et s’avança à la recherche de ces autres colonnes d’Hercule jusqu’à l’embouchure de l’Ems ; l’obstacle de la marée, encore peu familier aux navigateurs romains, le força de reculer et de revenir. Trois ans après, l’an 9, il s’avança jusqu’à l’Elbe, où une vala ou prophétesse des Germains lui apparut pour lui révéler qu’il ne pouvait faire un pas de plus, et que ses destinées étaient finies. Il revint en effet avec son armée, et fit dans cette retraite une chute de cheval dont il mourut. Cette seconde expédition, toute militaire, s’était faite à travers le continent : elle n’avait par conséquent apporté à Drusus aucune connaissance nouvelle concernant le littoral ; mais on estimait évidemment, d’après les paroles de Tacite, au temps de Drusus et de Tacite lui-même, que ces colonnes d’Hercule devaient se trouver sur la côte de la Mer du Nord, et que, si Drusus avait continué son exploration maritime à l’est de l’embouchure de l’Ems, il les eût infailliblement rencontrées. — Ce que les anciens appelaient des colonnes d’Hercule était, nous le savons, des phares élevés par les Phéniciens pour protéger et guider leurs vaisseaux. Nous voilà donc assurés, dit M. Nilsson, que les Phéniciens ont eu quelque comptoir dans les eaux qui baignent les côtes occidentales de la Scandinavie.

Comment M. Nilsson, poursuivant sa recherche historique, démontrera-t-il la présence des Phéniciens jusque dans l’intérieur même de l’ancienne Scandinavie ? Par la provenance des denrées qu’on sait qu’ils exploitaient. L’ambre ne venait sans doute pas alors, suivant lui, de la côte de Prusse, dont les conditions géographiques et physiques devaient être fort différentes de celles que nous connaissons de notre temps, mais il se produisait en abondance sur les côtes du Danemark et de la Scanie, et c’est là que les Phéniciens le venaient prendre. M. Nilsson est ici en contradiction flagrante, il faut le dire, avec le récit d’Hérodote, à qui on avait rapporté que l’embouchure d’un certain fleuve nommé Eridan, qui se jetait du continent dans la mer septentrionale, était la principale région où se produisait l’ambre. Hérodote ne voulait pas croire à ce fleuve Eridan, affluent de la Baltique ; mais voilà qu’on remarque aujourd’hui qu’un cours d’eau nommé le Rhodaune baigne en effet le côté occidental de la ville de Dantzig, et je lis d’ailleurs, dans les curieux commentaires de l’Hérodote publié par M. George Rawlinson à Londres, que ce nom de Rhodaune ou d’Éridan a bien pu s’appliquer