Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nouveau ; leurs révélations apportent à la science anthropologique et à l’histoire primitive des lumières inespérées. Il ne s’agit plus seulement des antiquités Scandinaves, mais de périodes inconnues dans l’histoire de l’humanité. On sait aussi qu’il y a une quarantaine d’années, à la suite des études simultanées de MM. Thomsen à Copenhague, Nilsson à Lund, et Lisch dans la petite ville de Schwerin, la science archéologique du Nord instituait, en présence des innombrables objets en pierre ou en différens métaux qu’elle retrouvait dans les sépultures de la Scandinavie et du nord de l’Allemagne, la triple division d’un âge de pierre, d’un âge de bronze et d’un âge de fer. Les sépultures ou gisemens du premier âge se reconnaissaient à la présence des instrumens tranchans et des armes en silex, des vases d’argile et des squelettes, le plus souvent accroupis. Les chambres sépulcrales du second âge renfermaient des instrumens, des armes et des ornemens en bronze, et les corps y avaient été brûlés. Dans le troisième enfin, l’usage de l’ensevelissement reparaissait avec des instrumens et des armes en fer et des ornemens fabriqués de métaux précieux.

C’étaient là les caractères généraux de la triple division archéologique ; les découvertes survenues en Angleterre, en Allemagne, en France, en Amérique, la justifiaient toujours davantage. Il devenait évident que le sol du Danemark, atteint plus tardivement que le reste du continent européen par la civilisation classique et moins bouleversé depuis, allait nous révéler les premières évolutions par lesquelles avait passé la civilisation humaine. À côté de la Suisse, qui nous offrait les vestiges incontestables d’habitations lacustres pareilles à celles qu’Hérodote avait si bien décrites chez les Péoniens du lac Prasias dans l’ancienne Macédoine, les tertres et les tourbières du Danemark allaient nous montrer l’Europe habitée d’abord par des peuplades ne connaissant l’usage d’aucun métal, n’ayant pour fabriquer leurs instrumens et leurs armes que la pierre, mais se servant de cette pierre, que sans doute elles adoraient en l’admirant, avec une habile industrie capable de nous confondre. L’exploitation facile du cuivre et la composition du bronze avaient été ensuite connues, et un certain luxe, auquel les métaux précieux n’avaient pas manqué, avait accompagné la satisfaction de besoins et de désirs nouveaux. Le fer s’était révélé enfin, et dès lors l’instrument le plus indispensable de la civilisation s’était ajouté aux instrumens imparfaits dont le génie de l’homme avait su tirer un parti déjà si considérable. Tels étaient les premiers résultats auxquels étaient parvenus les antiquaires du Nord. Si on leur demandait d’appliquer ces vues théoriques à la chronologie et à l’histoire, au moins pour ce qui concernait leur patrie, ils répondaient naguère