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vous mettant l’objet en main pour aider à la démonstration. Combien de fois ai-je vu le respectable M. Thomsen entouré de femmes, de soldats et d’enfans à qui il montrait la croix de la fameuse reine Dagmar, ou quelque bijou en or de l’âge de bronze, ou quelque pierre runique démontrant une fois de plus que l’Eyder a toujours été la limite Scandinave, et que les Allemands n’ont rien à voir dans le duché danois de Slesvig en-deçà de cette frontière ! Combien de fois l’ai-je entendu aussi discuter dans ces galeries les objections que lui soumettaient dans toutes les langues les archéologues venus dès quatre points cardinaux ! Et ses disciples, toute une école formée par ses soins, MM. Herbst, Steinhauer, continuent de même, avec pareil savoir et pareil dévouement. Il en résulte qu’une émulation patriotique excite jusqu’aux plus humbles laboureurs à envoyer aux musées archéologiques du Nord, en échange d’une somme fixée officiellement, les objets d’antiquité qu’ils trouvent dans la terre, et que, grâce à ce recrutement perpétuel et facile, grâce aux discussions incessamment ouvertes, de telles galeries sont toujours au niveau de la science acquise, et le dépassent même en préparant les matériaux d’observations et de conquêtes nouvelles. Essayons de fixer, à quel point précis en est arrivée l’archéologie Scandinave, quels accroissemens des musées du Nord ou quelles publications importantes en Danemark ou en Suède correspondent à ses progrès dans les dix dernières années, et à quelles théories ces récens développemens ont donné lieu. Cet examen nous montrera en Danemark l’ardeur des fouilles nouvelles avec l’observation rigoureuse et patiente appelant constamment à son secours les sciences naturelles ; — en Suède, la philologie appliquée.aux idiomes anciens et modernes du Nord, et à côté de cela des essais d’interprétation que l’obscurité ou l’insuffisance actuelle des monumens risque peut-être de rendre périlleux.


I

Personne n’ignore plus aujourd’hui l’importance toute spéciale des collections archéologiques du Danemark. Depuis trente ans, sous les auspices du roi Frédéric VII, habile archéologue lui-même[1], les innombrables tertres funéraires de la presqu’île jutlandaise, des îles danoises et des duchés ont été ouverts, les tourbières ont été creusées, et la capitale ainsi que les principales villes des provinces ont vu se former des musées qui sont aujourd’hui les pages d’un livre

  1. On a de la main du roi, entre autres écrits, une curieuse dissertation sur la Construction des salles dites des Géans ; Copenhague, 1857, traduite en plusieurs langues.