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d’érudit, il soupçonna que, s’il existait encore quelques vestiges des annales de Trébizonde, on devait les trouver aux archives de Venise et de Vienne. Il visita ces grands dépôts, les remua, les fouilla, bien résolu A leur arracher leur secret. Il y a dans la bibliothèque de Saint-Marc toute une collection de manuscrits byzantins, les uns ayant appartenu au cardinal Bessarion, les autres au sénateur Recanati. Ces richesses, mêlées de beaucoup de fatras et auxquelles on ne songeait guère, lui furent comme un éblouissement. « Mon trésor est là, » se disait-il. Grâce au docte et obligeant abbé Bettio, le vrai génie du lieu, il put scruter à loisir tous les coins et recoins de la nécropole. Savez-vous ce qu’il y trouva ? Le témoin le plus autorisé des choses de Trébizonde, le chroniqueur secret du palais impérial : un certain Michel Panérètos, qui donne exactement toute la suite des souverains, leur âge, la date de leur avènement, la durée de leur règne, etc., de l’année 1204 à l’année 1382. Le cadre général était retrouvé ; on avait le lien, la filière des événemens, il ne restait plus qu’à y rattacher tel épisode dont le sens et la place, incertains jusque-là, étaient subitement révélés. Fallmerayer n’était pas homme à laisser des lacunes dans son œuvre, et les mystères de Trébizonde allaient céder aux évocations de l’enchanteur.

Je dis l’enchanteur et ne crois rien dire de trop ; l’émotion du chercheur était si vive, son espérance si noble, si touchante, qu’il intéressa bientôt à son succès les plus illustres chefs de la science. N’est-ce pas un litre pour Fallmerayer que des maîtres comme M. Hase et M. Sylvestre de Sacy aient consenti à devenir les collaborateurs d’un jeune homme inconnu, à faire pour lui de longues lectures, à lui copier des documens grecs, à lui communiquer des textes orientaux ? Un historien persan, nommé Schefereddin, s’était souvent occupé des Grecs de Trébizonde en racontant l’histoire de son pays ; M. de Sacy, qui avait le manuscrit sous la main, prit la peine de rassembler tous ces passages, et en fit l’envoi à son jeune confrère de Landshut. M. Hase se livra au même travail pour les nombreux manuscrits byzantins de la Bibliothèque royale ; il les relut d’un œil attentif, notant tout ce qui pouvait jeter quelque jour sur l’histoire des Grecs ! d’Anatolie et transcrivant les pages décisives. Il rencontra même une curieuse relation de voyage écrite par un certain Eugenicus, ambassadeur de Constantinople à Trébizonde, et la fit copier avec soin pour le jeune historien. Deux savans allemands, M. le docteur Harter à Munich et M. de Kopidar à Vienne, préposés à l’entretien des plus riches collections orientales de leur pays, lui livrèrent aussi tous les textes qui pouvaient guider ses pas dans ces fouilles gigantesques.

L’ouvrage de Fallmerayer répondit de la manière la plus digne à