Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 42.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’une riche cité ou une province, jalouse de faire remarquer son dévouement pour la maison régnante, s’empresse d’offrir à ses princes à l’occasion de leur avènement au trône ou de leur mariage. Les minerais de fer, qui ont rarement une apparence propre à captiver le regard, font de même ressortir les objets à l’aspect tantôt brillant, tantôt sévère, qui en proviennent, tels que ceux qui se fabriquent en acier poli, ou que ces majestueux mécanismes de l’industrie dont le fer et la fonte sont les matières les plus usuelles, ou encore comme ces terribles engins de guerre, et particulièrement les canons, qu’on rencontre trop souvent peut-être dans les galeries de l’exposition, ou enfin comme les articles en fonte moulée auxquels on est parvenu à donner du premier jet beaucoup de fini[1], et qu’en recouvrant d’un vernis on fait passer assez aisément pour du bronze artistement travaillé. Ce sont aussi les argiles diverses en opposition avec tant de poteries belles par leur modelé et par leur glacé, plus belles par les couleurs dont on pare leur surface ou par les applications dont on les parsème. Ou bien ce sont des matières sans mérite ou du moins sans agrément, telles que les sables, la potasse et les oxydes de plomb, non loin des objets éblouissans qui en sont composés, comme ces glaces si grandes, si transparentes, d’une eau si pure, — ces cristaux mats, blancs ou colorés, — ces verres moulés qui se fabriquent à si vil prix maintenant, de manière à permettre au plus modeste ménage de se donner un air de luxe, — ces coupes de cristal ciselé sur lesquelles un travail ingénieux s’est accumulé au point d’en centupler dix fois la valeur première, — enfin ces appareils lumineux des phares que la science de Fresnel a rendus si puissans, et que des gouvernemens intelligens distribuent en si grand nombre sur les côtes des pays civilisés pour la sûreté des navigateurs.

Dans les salles de l’exposition, l’observateur a lieu d’être frappé d’un autre contraste, celui qui naît du rapprochement des productions émanées des peuples qui représentent la civilisation sous les différentes formes qu’elle a successivement revêtues. Dans ces longues galeries, on trouve la manifestation du génie industriel de la société, humaine dans les situations diverses qu’elle a traversées depuis ses plus humbles essais d’organisation jusqu’à la constitution savante et complexe des grandes nations modernes. C’est qu’à l’heure qu’il est tous les âges de la civilisation coexistent sur la terre. On y rencontre encore en effet soit le sauvage qui en est à attendre chaque jour sa subsistance du succès de sa chasse ou de sa pêche, soit les tribus de pasteurs qui reproduisent presque servilement le modèle de société que la Bible nous montre sous la tente et dans la famille

  1. C’est ce qui frappe surtout dans l’exposition d’un fondeur français, M. Durenne.