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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre 1862.

La France est le centre de l’intérêt que nous prenons aux événemens contemporains. C’est à travers elle que nous devons considérer ce qui se passe au dehors, c’est à elle que nous devons tout rapporter, c’est en elle que pour nous tout se résume. Pourtant c’est de la France elle-même, de sa vie politique intérieure, qu’il nous est le plus malaisé de parler. Nos lecteurs, au courant des obstacles qui rétrécissent et paralysent parmi nous la vie publique et l’agitation des questions intérieures, nos lecteurs, qui après tout subissent autant que nous ces obstacles, nous tenant compte des difficultés dans lesquelles nous sommes enserrés, veulent bien, nous l’espérons, couvrir de leur indulgence notre discrétion, poussée souvent jusqu’à une timidité douloureuse. Nous souhaiterions de grand cœur que la presse seule eût à sentir le poids des restrictions qui la gênent ; par malheur, ce n’est pas elle qui a le plus à en souffrir. L’oblitération des organes naturels de la transmission des idées ralentit chez nous les plus utiles courans de la vie sociale. L’initiative privée en matière d’intérêt public va s’affaiblissant chaque jour davantage. Chemins de fer, télégraphie électrique, nous avons ce qui rapproche les corps, les choses ; mais les routes vivifiantes qui vont des esprits aux esprits, des cœurs aux cœurs, sont effondrées et presque impraticables. La presse a pris à un tel degré l’habitude de l’inertie qu’on dirait que cette habitude est devenue en elle une seconde nature. À force de ne plus rien oser, de ne plus rien tenter, elle fait défaut aux occasions qui s’offrent à elle de rendre, non plus seulement à des causes politiques, mais à la société et à l’humanité, les services les plus éminens.

Nous avons de cette défaillance un triste exemple sous les yeux. Tout le monde sait vaguement qu’une cruelle détresse s’est étendue sur les ouvriers de l’industrie cotonnière. C’est surtout, paraît-il, dans la Seine-Inférieure que sévit le fléau du chômage. Ces vertes vallées qui rayonnent autour de Rouen, et au creux desquelles se déroulent des fabriques autrefois si actives, n’abritent plus que des ouvriers sans travail. On se racontait