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tine, et faisant le siège de Montevideo pour y placer un allié. Rosas est tombé ; assurément le pays a été soulagé d’un triste et malfaisant despotisme. Est-il sorti pourtant de cette révolution un ordre régulier ? Bien au contraire, la confusion a recommencé plus que jamais, prenant seulement des formes nouvelles, et la république argentine a eu à peine quelques momens de répit depuis dix ans. Ici la lutte s’est trouvée engagée entre deux partis : l’un représentait à peu près l’ancien parti fédéral transformé, qui a réussi à organiser ce qu’on a appelé la confédération argentine, qui a eu un gouvernement régulier à Parana, son existence reconnue, ses passions et ses intérêts ; l’autre parti, formé plus ou moins d’anciens unitaires, intelligent et exalté, retranché à Buenos-Ayres, ne pouvant reprendre l’ascendant sur le reste de la confédération, et refusant toujours de se soumettre au gouvernement de Parana.

Il en est résulté une guerre permanente où les deux fractions ennemies d’une même république, cherchant toujours à se réduire mutuellement et n’y pouvant réussir, n’ont eu que des trêves illusoires. Il y eut, voici deux ans, une apparence de pacification, une sorte de rapprochement dont le Paraguay s’était fait le négociateur. Entre M. Santiago Derqui, qui venait d’être élu président de la confédération, le général Urquiza, qui reste toujours un des principaux personnages du pays, et le général Bartolomé Mitre, gouverneur de Buenos-Ayres, il y eut un instant les échanges les plus vifs de bonne amitié. Tout semblait fini ; tout allait recommencer au contraire, et cette fois c’était bien réellement une question de vie ou de mort pour l’un des deux partis. Seulement le gouvernement de Parana entrait avec désavantage’dans cette lutte nouvelle, au-devant de laquelle il allait avec une sorte d’impatience fébrile. D’abord le fénèral Urquiza, son épée et son bras droit, n’avait que répugnance pour cette guerre, par patriotisme sans doute, et aussi parce qu’elle le troublait dans sa grande et paisible situation. La première bataille, qui fut livrée à Pavon, dans la province de Santa-Fé, eut un effet décisif. L’armée de la confédération se débanda, et dès le lendemain le général Urquiza lui-même regagnait la province d’Entre-Rios, sans regarder derrière lui, malade, dégoûté, laissant la responsabilité de la guerre à qui la voudrait prendre, et le général Mitre, à la tête de l’armée de Buenos-Ayres, restait plus victorieux encore qu’il ne l’avait pensé au premier instant.

Ce ne fut plus dès lors qu’une vraie dissolution dans le gouvernement de Parana, qui se voyait abandonné de tous côtés, par les provinces qui se tournaient successivement vers le vainqueur, par l’armée à peu près débandée, par le général Urquiza lui-même, occupé à négocier avec le général Mitre. Un jour vint où le président, M. Derqui, s’embarquait précipitamment, sans rien dire, sur un bâtiment anglais, pour se retirer à Montevideo, et ce qui restait après lui de gouvernement abdiquait. Buenos-Ayres restait donc politiquement aussi bien que militairement maîtresse du terrain ; elle eût voulu sans doute pousser jusqu’au bout son succès en contraignant Ur-