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dette : il a voulu que le fonds représentatif du crédit de l’état réunît les deux clientèles des fonds publics, celle de la spéculation qui tend à élever la valeur des fonds en capital et celle des capitaux qui recherchent la solidité du placement et la fixité du revenu. Au point où la première opération de la conversion facultative a été poussée, il semble que l’objet pratique de M. Fould ait été atteint. Il n’est resté en dehors de la conversion que 39 millions de rentes 4 1/2. La moitié de cette somme est immobilisée. Le marché du 4 1/2, qui autrefois comprenait un stock de rentes considérable, se trouve donc réduit, pour les transactions de vente et d’achat, à un stock de 19 millions de rentes. Il ne peut plus dès lors avoir qu’une clientèle peu importante, et il cesse, en pratique, de faire au 3 pour 100 une concurrence sérieuse. Voilà ce que M. Fould pourrait répondre à ceux qui le presseraient d’achever, par la conversion obligatoire du reliquat du 4 1/2, l’unification de la dette, dans le cas où il ne jugerait pas qu’une conversion nouvelle fût convenable ou opportune.

Nous ne devons pourtant pas dissimuler que l’opinion des hommes de finances serait favorable à la conversion obligatoire et prochaine de ce qui reste de 4 1/2. Dans cette opération, il y aurait lieu d’offrir aux porteurs du 4 1/2 ou l’échange de leurs rentes en 3 pour 100 moyennant une soulte, ou le remboursement au pair. La soulte pourrait bien procurer au trésor une ressource d’une cinquantaine de millions, ressource qui ne serait pas à dédaigner dans la période de transition financière où nous sommes. M. Fould peut donc, avec l’adhésion du public financier, achever prochainement l’œuvre importante de l’unification de la dette française, à moins que l’utile mission qu’il a acceptée ne soit interrompue par les déviations et les difficultés de la politique.

Il y a, nous ne l’ignorons point et nous le laissions voir dans la dernière chronique, une question étrangère, la question italienne et la question romaine, qui peut exercer une influence prochaine sur l’attitude générale de notre gouvernement et même sur la composition du ministère. Nous le montrions il y a quinze jours, la chose étant surtout devenue manifeste par la publication des derniers documens diplomatiques échangés entre Rome et Paris, la question romaine est arrivée à son antinomie suprême. Il n’y a plus entre le principe théocratique et le principe de l’état laïque, fondement des sociétés modernes, un seul de ces voiles qui favorisent les transactions et les accommodemens temporisateurs. Non, les deux principes nus s’affrontent face à face. Or, par sa position militaire à Rome, la France est mise en demeure de prendre parti entre ces deux principes, dont l’un est par excellence celui de sa révolution, dont l’autre est par excellence celui de la contre-révolution. C’est une de ces occasions suprêmes où il n’est plus possible de biaiser, où il faut être bleu ou blanc, Français de 1789 ou Français de l’ancien régime. Aujourd’hui, après les refus si nets et si catégoriques du cardinal Antonelli, nous ne pouvons plus nous donner à nous-mêmes l’excuse et l’amusement d’une dernière illusion. La franchise de la