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de leurs entraînemens, et devront mesurer la portée et la responsabilité de leurs actes. La chambre des députés notamment ne pourra plus alléguer pour excuse l’ignorance involontaire : elle devra contrôler plus sérieusement la dépense, et par conséquent la politique intérieure ou extérieure par laquelle la dépense est déterminée, car les hobereaux prussiens et les officieux français ont beau tonner contre le parlementarisme : dans tout pays qui vise à l’honneur de posséder un gouvernement représentatif, c’est la chambre des députés qui doit tenir les cordons de la bourse, précieux cordons dont la force des choses fait aisément les rênes de la politique. Cependant, pour que le contrôle de l’assemblée représentative soit sérieux, il est nécessaire que cette assemblée naisse de l’élection libre, et que les députés ne soient pas élus par le gouvernement avant d’être nommés parle scrutin populaire ; il est nécessaire enfin que l’assemblée soit elle-même contrôlée par la libre expression de l’opinion dans la presse. La question financière bien posée, et telle en effet qu’elle a été posée par M. Fould, nous ramène donc en plein dans la question politique. Nous nous trouvons placés financièrement dans une voie logique dont il dépend de la chambre et du pays de suivre le développement naturel.

Le ministre a terminé son exposé par de curieuses informations sur les résultats de la conversion facultative. L’objet principal de cette grande mesure avait été de placer le fonds français qui est l’étalon du crédit de l’état, le 3 pour 100, dans une situation qui lui laissât son élasticité entière et n’en contrariât plus le libre essor. Telle n’était pas la condition du 3 pour 100 tant que le 4 1/2 demeurait le fonds le plus considérable de notre grand-livre. Le 4 1/2 en effet, représentant 174 millions de rentes, était placé dans une situation ambiguë et fausse depuis la conversion de 1852, qui avait laissé ce fonds sous le coup d’une conversion nouvelle après un terme de dix années. Les fonds publics ont deux clientèles : la clientèle de la spéculation et celle des placemens. La spéculation a en vue dans ses opérations sur les fonds publics les variations qui peuvent avoir lieu sur la valeur de ces fonds en capital ; le placement a plus particulièrement en vue la quotité de revenu que ces fonds produisent par rapport à leur valeur en capital. Le 4 1/2 français, avec la perspective d’une conversion à courte échéance qui posait la limite fixe du pair à sa valeur en capital, n’étant plus susceptible de hausse au-delà de cette limite, avait été complètement délaissé par la spéculation, qui s’était exclusivement portée sur le 3 pour 100. Il résultait de là que le 4 1/2 représentait une capitalisation moins élevée que le 3 pour 100, et offrait par conséquent un revenu relativement plus élevé aux capitaux de placement. Tandis que le 4 1/2 avait perdu la clientèle de spéculation, il avait donc conservé la clientèle de placement, qui recherche les revenus plus élevés, et par cela même l’essor du 3 pour 100 se trouvait paralysé, car, si ce fonds avait la clientèle de spéculation, il était beaucoup moins soutenu par la clientèle de placement. On voit l’objet que le ministre des finances a dû poursuivre dans l’unification de la