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à la Porte de reconnaître l’hérédité du principal serbe dans sa famille. La Porte refusa cette reconnaissance; mais les Serbes déclarèrent dans une protestation solennelle qu’ils avaient le droit de conférer l’hérédité à la famille Obrenovitch, que c’était là une des conditions essentielles de l’autonomie, qu’ils possédaient depuis 1830 et qu’avait consacrée le traité de 1856. Le fils de Milosch, le prince Michel Obrenovitch, monta donc sur le trône après la mort de son père. L’assemblée nationale de 1861 proclama de nouveau cette hérédité comme « un droit dont la principauté avait fait un libre usage toutes les fois qu’elle l’avait jugé convenable, sans avoir essuyé pour cela de remontrances de la part de qui que ce soit[1]. » Cette assemblée de 1861 supprima aussi les privilèges qu’avaient peu à peu acquis les sénateurs, comme « contraires aux principes de l’autonomie nationale ainsi qu’à la loi fondamentale de l’égalité commune. » La Serbie est un état essentiellement démocratique; mais la démocratie y est naïve et sincère, et c’est ce caractère que le nouveau prince et la nouvelle assemblée se sont efforcés de conserver. Déjà en effet la Serbie, quoique encore rude et grossière, a besoin de se préserver des maux qui semblent plus particulièrement propres aux vieilles civilisations. Il y a chez ce peuple campagnard un petit monde qui veut se faire une vie à part et privilégiée aux dépens de la nation. « Il faut, disait le prince Michel dans son discours à l’ouverture de la skouptchina au mois d’août 1861, il faut que chez nous les fonctions publiques cessent d’être considérées seulement comme un moyen facile d’existence, ainsi que cela jusqu’à présent a eu lieu. J’ai entre les mains les preuves les plus claires de la manière dont beaucoup de gens envisagent les fonctions publiques : l’un sollicite un emploi parce que, dit-il, sa mauvaise santé ne lui permet pas de faire autre chose, un autre parce qu’il est embarrassé sur le choix d’un état, ce troisième parce qu’il a fait de mauvaises affaires dans le commerce, et ainsi de suite. Il faut absolument que cette funeste maladie des emplois publics disparaisse de chez nous, car, outre l’inconvénient d’augmenter les charges du trésor et celui de pousser les gens à négliger leurs affaires ou leurs travaux pour courir après des emplois auxquels ils ne sont pas aptes, il y aurait à redouter un des plus grands maux d’un état, celui d’être mal servi. — Ceux-là sont dans une grave erreur qui pensent qu’on n’a bien mérité de son pays que lorsqu’on l’a servi comme fonctionnaire. Il y a beaucoup d’autres moyens de rendre des service à notre pays, et ces services sont d’autant plus louables et plus mé-

  1. Note envoyée par le ministre des affaires étrangères de la principauté de Serbie au chargé d’affaires serbe à Constantinople, sur les travaux de la dernière skouptchina, 4 octobre 1861. — Archives diplomatiques, 1861, n° 12, décembre, p. 447.