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l’honneur de John Hamill, major au royal régiment de Malte, et qui fut tué à Anacapri, au combat du 4 octobre 1808. En 1831, sa famille fit rechercher son corps, qui avait été enterré avec les autres morts de cette journée, et on lui donna cette tardive sépulture, qui est tournée vers le nord-ouest, dans la direction idéale de l’Irlande, sa patrie.

Je me mis à fureter dans la ville, au hasard des rues qui se présentaient devant moi, regardant à travers les barrières des jardins pour voir les rosiers grimpans épanouir leurs fleurs jusque dans les cyprès qu’ils enlacent, m’arrêtant à écouter une femme qui chantait une plaintive mélopée en tournant son fuseau, entrant dans les cabarets où des hommes se disputaient en jouant à la scopa avec des cartes dont le pique, le cœur, le trèfle et le carreau sont remplacés par le bâton, l’or, la coupe et l’épée, et j’arrivai, toujours bayant aux corneilles, jusqu’à une petite place où se dresse le portail d’une église dédiée à saint Michel. J’y entrai, et je la recommande aux amateurs de majolice. C’est une simple rotonde surmontée d’une lanterne qui lui donne un jour assez clair; les murs, sans ornemens, ont une blancheur éblouissante, qui rend plus vives encore les teintes charmantes dont le pavé est diapré. Ce pavé est composé de carreaux de faïence peinte, dont l’ensemble harmonieux représente le paradis terrestre au moment où Adam et Eve en sont chassés par l’ange armé du glaive. Étant donné la matière et les difficultés à vaincre, ce travail est d’une beauté remarquable et le plus complet en ce genre que j’aie jamais rencontré. Le peintre a bien su profiter de l’espace qu’il avait à décorer; il n’a point éparpillé son sujet en cartouches séparés, comme le mauvais goût italien aurait pu l’y convier : il l’a au contraire habilement groupé, et lui a donné une ampleur considérable. Tout est de grandeur naturelle, depuis les arbres jusqu’aux animaux, jusqu’aux personnages. C’est une scène gigantesque à laquelle assistent tous les animaux de la création, et que les astres regardent du haut du ciel. Le long de fleuves azurés qui baignent des prairies vertes comme des émeraudes qu’abritent des caroubiers et des chênes, des troupeaux paissent tranquillement, mêlés à des animaux féroces qui dorment en paix au milieu d’eux. De grands taureaux gris, comme ceux de la campagne romaine, vont boire dans les ruisseaux, près desquels une licorne chemine lentement à côté d’un porc-épic qui mange une rose, d’un léopard qui étend son mufle sur ses pattes velues et d’un singe gouailleur qui offre une poire à un ours. Un éléphant, un dromadaire, un gros molosse à queue en trompette, une autruche soulevant ses ailes, un crocodile, un sanglier, se promènent les uns près des autres dans une fraternité paradisiaque. Le centre de la composition est occupé par l’arbre du bien et du mal, où se perche une chouette et autour duquel le serpent a