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Des migrations de pays lointains vinrent troubler, instruire ou soumettre ces hommes paisibles. Ce furent, sur la rive gauche du fleuve, les Sicaniens, venus du Nord, qui séjournèrent et laissèrent des traces de leur séjour, jusqu’à ce que, marchant toujours au sud, ils allassent donner leur nom à la Sicile. Réunis aux Ligures, ils avaient occupé sept collines, dont la plupart devaient être un jour comptées parmi les sept collines historiques. Puis parurent les Pélasges, les aînés des Grecs, les Arcadiens des poètes, ces Grecs antérieurs à la civilisation hellénique, qui, de l’orient à l’occident, coururent tout le midi de l’Europe, ces fiers constructeurs qui ont partout semé de rudes monumens. Ils arrivaient du nord et du centre de l’Italie, et c’est eux qui, sur une éminence voisine, au sud-est du mont Saturnien, construisirent une enceinte rectangulaire qu’ils appelèrent le fort carré, Borna quadrata. Voilà Rome, ou du moins voilà la première fois que se montre ce nom grec de la force attribué à un lieu de refuge ou de défense sur une des hauteurs du Septimontium. Mais d’autres peuplades ont été d’une manière plus stable encore maîtresses des points élevés de cette région accidentée : c’étaient par exemple les Tyrrhéniens, qui, débarqués au nord-ouest, s’étendirent jusque sur les deux collines de la rive droite du Tibre, ces Étrusques qui, apportant aussi tant de choses grecques, les marquèrent de l’empreinte d’une forte originalité. Ils passèrent plus d’une fois le fleuve et disputèrent souvent les hauteurs à d’autres tribus ; mais nulle invasion ne fut plus redoutée et plus puissante que celle d’une énergique nation qui, descendue des monts voisins de la Sabine, se dispersa vers le midi. Ces Sabins, dont le caractère guerrier offre quelque ressemblance avec celui des races germaines, portaient la lance (guiris), dont le nom servait à les désigner. Eux aussi, ils touchèrent à presque tous les sommets du Septimontium, et bâtirent jusqu’auprès de la Rome des Pélasges une autre enceinte, un refuge, un palatium, premier palais qui n’en avait que le nom. Ils passèrent, comme les Étrusques, sur le mont Saturnien, mais surtout ils se retranchèrent sur celui qu’à cause d’eux on appela Quirinal. Les Latins, ces habitans primitifs, n’étaient restés tout à fait maîtres et isolés qu’à deux lieues de là environ, sur le territoire d’Albe, leur ville principale, et d’où leur chef, qu’ils appelaient roi, poussait ses possessions jusqu’au pied du monument de Saturne ; du moins ses troupeaux paissaient-ils non loin de la Rome des Pélasges. Tel est à peu près le fond du récit poétique qu’avant même M. Ampère faisait au pieux Énée le roi Évandre, cet Arcadien constructeur de cités.

C’est toujours un plaisir de surprendre la poésie en accord avec l’histoire, et l’on voudrait qu’en effet Virgile eût revêtu de splendeur