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sans doute qu’une démonstration, fut vigoureusement repoussée. La journée avait été rude : dans l’engagement principal, celui de Gaine’s-Hill, 35,000 fédéraux n’avaient pas pu vaincre 60,000 confédérés, mais ils les avaient contenus. On ne pouvait guère se promettre davantage. Dans la nuit, les troupes fédérales repassèrent dans le plus grand ordre les ponts du Chikahominy et les détruisirent. Elles laissaient derrière elles un champ de bataille couvert de morts (car dans cette lutte acharnée les pertes avaient été considérables), un grand nombre de blessés, trop gravement atteints pour pouvoir être transportés, une douzaine de canons, enfin quelques prisonniers, et parmi eux le général Reynolds. Le corps de Keyes, qui faisait l’avant-garde, se replia également vers le James-River, et alla occuper les passages d’un grand marais, le White-Oak-Swamp, qui traverse la route que l’armée devait suivre, ainsi que les débouchés des principales communications par lesquelles la marche pouvait être inquiétée.

Les journées du 28 et du 29 furent employées à faire filer le convoi de cinq mille voitures, le parc de siège, un troupeau de deux mille cinq cents bœufs, etc., vers la même direction, tâche immense lorsqu’on songe que l’on n’avait qu’une seule route à sa disposition. Le premier jour, rien ne vint troubler cette grande opération ; l’ennemi était fatigué du combat de la veille ; il semblait en outre étonné, déconcerté, et ne comprenait pas bien encore ce que faisait l’armée fédérale. Celle-ci était réunie tout entière sur la rive droite du Chikahominy, tandis que les forces principales des confédérés étaient sur la rive gauche, avec les ponts coupés devant eux. Pour passer la rivière, il leur fallait ou faire de nouveaux ponts, ou remonter très loin en arrière jusqu’à Mechanic’s Bridge, ce qui, dans les deux cas, demandait beaucoup de temps. Or ici le temps était tout, et l’armée en retraite le mettait à profit. Ce ne fut que dans la journée du 29 que les colonnes du sud parurent devant les arrière-gardes fédérales. Elles engagèrent immédiatement le combat auprès de la station de Savage, sur le York-River-Rail-Road ; mais elles furent vigoureusement reçues, et après les avoir repoussées, on attendit la nuit pour continuer le mouvement. Le télégraphe, en cessant de fonctionner la veille, avait appris que les confédérés étaient maîtres de White-House. Ils avaient trouvé ce poste abandonné. La matinée du 29 avait été consacrée à détruire dans les camps fédéraux tout ce qui ne pouvait être emporté. Un train complet, locomotive, wagons, etc., resté sur le chemin de fer, fut lancé à toute vapeur sur le pont coupé du Chikahominy. On ne laissa aux mains de l’ennemi que trois canons de siège qu’il avait été impossible de remuer, et que l’on négligea d’enterrer. Ce furent les seuls qui tombèrent en son pouvoir,