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ces trois divisions. Le corps de Jackson, arrivant d’Hanover-Court-House, vint prendre part au combat. On se battait sur un terrain ondulé, en grande partie boisé, mais laissant cependant sur certains points de grands espaces découverts. La lutte fut très vive ; les fédéraux résistèrent avec succès : il y eut même un moment où Porter put se croire victorieux. C’eût été un grand bonheur, et la situation en eût été singulièrement modifiée. Aussi, dans ce moment d’espérance, Mac-Clellan se hâta-t-il d’envoyer sur la rive gauche toutes les troupes qui n’étaient pas absolument indispensables à la garde des lignes fédérales faisant face à Richmond. Une division, celle du général Slocum, passa les ponts avant quatre heures, et se mêla aussitôt à l’action. Une autre, celle de Richardson, n’arriva sur le terrain qu’à la chute du jour. Au moment où ces renforts commencèrent à prendre part à la lutte, la scène contemplée dans son ensemble a ait un caractère imposant de grandeur. Nous avions 35,000 hommes engagés, partie dans les bois, partie en plaine, formant une ligne d’un mille et demi d’étendue. Une nombreuse artillerie tonnait de tous côtés. Dans la vallée du Chikahominy, la cavalerie des lanciers aux fanions flottans était en réserve, et ce tableau si animé de la bataille avait pour encadrement un paysage pittoresque, éclairé par les derniers rayons du soleil qui se couchait dans un horizon couleur de sang.

Tout à coup la fusillade prend une intensité extraordinaire. On fait mettre debout les réserves que l’on avait jusqu’ici tenues couchées dans des plis de terrain, on les excite par des hourras, et on les fait entrer dans les bois. La mousqueterie devient de plus en plus violente et s’étend vers la gauche. Plus de doute que l’ennemi ne tente de ce côté un dernier effort. Les réserves sont toutes engagées ; on n’a plus personne sous la main. Il est six heures, le jour s’en va rapidement ; si l’armée fédérale tient encore une heure, elle a bataille gagnée, car partout ailleurs elle a repoussé l’ennemi, et les efforts de Jackson, de Lee, de Hill, de Longstreet, dont elle a les soldats devant elle, auront été frappés d’impuissance. À défaut d’infanterie, le général Porter met trois batteries en potence à son extrême gauche pour appuyer les troupes qui y soutiennent un combat inégal ; mais ces troupes sont fatiguées, elles se battent depuis le matin, elles n’ont presque plus de cartouches. Les réserves confédérées viennent d’arriver à leur tour : elles se jettent en ligne et régulièrement déployées contre la gauche des fédéraux, qui cède, se rompt, se débande, et dont le désordre gagne de proche en proche jusqu’au centre. Il n’y a pas panique, on ne court pas avec l’effarement de la peur ; mais, sourds à tout appel, les hommes s’en vont délibérément, le fusil sur l’épaule, comme des gens qui en ont