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il s’ensuit que l’on n’est jamais sûr de leur faire exécuter exactement ce que l’on veut. Les volontés individuelles, capricieuses comme les majorités populaires, y jouent un beaucoup trop grand rôle. Le chef est obligé de se retourner pour voir si on le suit, il n’a pas l’assurance que ses subordonnés tiennent à lui par le lien de la discipline et du devoir. De là de l’hésitation et par suite des conditions défavorables pour exécuter un coup d’audace. « Si nous pouvons être attaqués et avoir une bataille défensive, ai-je entendu dire bien des fois, ce sera la moitié du succès, » On eut ce qu’on désirait. Ce fut l’ennemi qui attaqua le premier. Le 31 mai, il mit fin à toutes les incertitudes et à tous les efforts d’imagination qui se faisaient pour savoir comment on irait le chercher, en se jetant résolument avec toutes ses forces sur l’armée du Potomac. Le sanglant conflit qui eut lieu dans la soirée de ce jour et la matinée du lendemain a pris le nom de bataille de Fair-Oaks.

Au moment où elle fut ainsi attaquée, l’armée fédérale occupait une position ayant la forme d’un V. La base du V est à Bottom-Bridge, où le chemin de fer traverse le Chikahominy. La branche de gauche s’avance vers Richmond avec ce chemin de fer et la route de cette ville à Williamsburg. Là était l’aile gauche, formée de quatre divisions échelonnées les unes derrière les autres, entre les stations de Fair-Oaks et de Savage, et campées dans les bois des deux côtés de la route. L’autre branche du V, celle de droite, suit la rive gauche de la rivière ; c’est l’aile droite. Il y a là cinq divisions et la réserve. Si l’on veut communiquer d’une extrémité à l’autre de ces deux ailes, en passant par Bottom-Bridge, le parcours est très long ; il n’y a pas moins de 12 à 15 milles. À vol d’oiseau, la distance au contraire est très peu de chose, mais entre les deux branches du V coule le Chikahominy. C’est pour relier entre eux les deux jambages que l’on avait commencé à faire trois ou quatre ponts, dont un seul était praticable le 31 mai. Il avait été construit par le général Sumner, à peu près à mi-chemin entre Bottom-Bridge et le point le plus avancé des lignes fédérales. Il sauva ce jour-là l’armée d’un désastre. Les autres ponts étaient prêts, mais ne purent être jetés au moment décisif, et c’est ce qui sauva les confédérés.

Ce fut contre l’aile gauche de l’armée que se porta tout l’effort de l’ennemi. Elle avait ses avant-postes à la station de Fair-Oaks, sur le York-River-Rail-Road, et à un endroit nommé Seven-Pines, sur la route de Williamsburg. Là les fédéraux avaient élevé une redoute dans une clairière où l’on voyait quelques maisons, et fait des abatis pour augmenter le champ de tir des troupes qui y étaient postées. Le reste du pays était entièrement couvert de bois. Il y avait eu la