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du revenu des couvens qui leur sont dédiés. L’arrangement ci-dessus serait donc également favorable aux couvens des saints lieux et à l’église des principautés; il mettrait en outre fin à un état de choses déplorable, qui a fait passe la huitième partie du sol national dans des mains étrangères.»

Au point de vue du droit, il paraît difficile d’arriver à une autre conclusion du moment que l’on aura reconnu que les monastères fondés en Moldo-Valachie étaient réellement des établissemens de retraite, de bienfaisance et d’utilité publique, et que les dédicateurs, en en confiant à des moines grecs l’administration spirituelle et temporelle, ont eu l’intention qu’ils restassent à l’état de monastères. C’est d’après ces principes que la question aurait été résolue en Serbie, comme M. Brezoïano l’indique dans son ouvrage.

Il semblerait, d’après cette simple analyse des élémens de la question, qu’il devait être facile aux parties de conclure un arrangement à l’amiable. Dépendant tous les efforts qui ont été tentés dans ce sens ont échoué jusqu’à présent à cause des intérêts et des passions qui sont mêlés au débat. Aussi la conférence réunie à Paris en 1858 a-t-elle cru devoir indiquer un moyen d’arriver à une conciliation. Le treizième protocole contient à ce sujet une mention spéciale : « M. le plénipotentiaire de Russie appelle l’attention de la conférence sur le conflit existant dans les principautés touchant les biens des couvens dédiés. Après examen, la conférence décide que, pour donner une solution équitable au différend qui existe à ce sujet entre le gouvernement des principautés et le clergé grec, les parties intéressées seront invitées à s’entendre entre elles au moyen d’un compromis; dans le cas où elles ne parviendraient pas à s’entendre dans le délai d’un an, il sera statué par voie d’arbitrage; dans le cas où les arbitres ne parviendraient pas à s’entendre, ils choisiront un sur-arbitre. S’ils se trouvaient également dans l’impossibilité de s’entendre pour le choix de ce sur-arbitre, la Sublime-Porte se concerterait avec les puissances garantes pour le désigner. »

Le compromis n’ayant pas eu lieu dans le délai fixé, la conférence de Paris, dans sa séance du 14 septembre 1859, prolongea ce délai d’une année. Il y a eu depuis quelques pourparlers pour fixer un nouveau terme, mais aujourd’hui cette première phase paraît terminée, et l’on se trouve sur le seuil de la seconde phase, qui serait celle de la nomination des arbitres. Cependant le gouvernement des Principautés-Unies, si l’on doit entrer dans cette seconde phase, nous paraît autorisé à demander avant tout une explication sur la portée du treizième protocole. En effet, en retirant à un moine étranger l’administration d’un monastère indigène, le gouvernement des principautés fait, comme nous l’avons vu, acte d’autonomie administrative; au contraire, en traitant avec le bénéficiaire d’un revenu quelconque, il reste dans le domaine du droit privé. Il peut parfaitement déférer à un arbitrage la question de droit privé. En est-il de même de l’autre question? Remarquons bien qu’il ne s’agirait plus de conférences à la manière diplomatique, dans lesquelles le consentement de toutes les parties est exigé. Ce serait un jugement obligatoire qui sortirait de l’arbitrage ou du sur-arbitrage. Or le gouvernement des principautés doit à sa nation, il doit même, aux puissances qui lui ont si généreusement garanti sa situation actuelle