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risés à considérer les biens des couvens dédiés comme des biens religieux appartenant au pays moldo-valaque, destinés principalement à soutenir les œuvres pies indigènes et à contribuer subsidiairement à l’entretien des couvens des saints lieux. » Cette destination ne ressort pas moins clairement d’un calcul présenté dans l’ouvrage de M. Brezoïano : c’est une moyenne de l’emploi des revenus d’un certain nombre de monastères dédiés pendant la période comprise outre les années 1692 et 1741 (les princes grecs ont commencé à régner on 1715). Le revenu a été en moyenne et en chiffres ronds de 40,000 piastres. Sur cette somme, 22,000 piastres ont été consacrées à l’entretien des monastères, 16,000 ont été données à l’état à titre d’impôt, et 2,000 seulement ont été envoyées en offrande aux saints lieux.

Quel est l’état actuel des monastères dédiés? Ici encore il faut recourir au précieux témoignage de la majorité de la commission européenne envoyée en 1857. Voici quelle a été l’appréciation des commissaires d’Autriche, de France, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Sardaigne : « Il n’y a pas jusqu’à présent de communautés dans les couvens en question. Ces couvens, malgré leurs énormes revenus, n’exercent pas les œuvres charitables qu’on serait en droit d’attendre d’eux. Tout ce qui provient des terres qui leur appartiennent, sauf le peu qui sert à l’entretien des bâtimens et des prisonniers qu’ils sont tenus de loger, est appliqué soit au profit des prêtres grecs pour qu’ils les administrent, soit au profit des couvens grecs par lesquels ces prêtres sont envoyés. »

Un tel état de choses est évidemment contraire aux intentions si précises des fondateurs et de ceux qui ont fait la dédicace. C’est une usurpation, et une usurpation de telle nature que les moines grecs ne sauraient se prévaloir ici de la durée pour la faire considérer comme leur assurant un droit, car il est reconnu en droit que l’on ne prescrit pas contre son titre. D’ailleurs, d’après un autre principe de jurisprudence, personne n’est admis à se prévaloir de sa propre faute. Aussi, quel que soit l’état présent, le gouvernement roumain est autorisé à regarder les moines grecs comme des administrateurs bénéficiaires. Examinons quels sont les droits de ce gouvernement envers des personnes d’une telle condition.

Considérons d’abord le moine grec comme administrateur. Si l’on voulait rechercher au point de vue théorique quels sont les droits de tout gouvernement territorial à l’égard des communautés étrangères administrant dans le pays des établissemens de retraite, de bienfaisance et d’utilité publique, l’on arriverait difficilement à une conclusion pratique qui pût être acceptée par tout le monde. Il faut donc chercher une autre base. Nous en avons trouvé une qui a au moins l’avantage de couper court à toute discussion. Nous disons que les puissances garantes, en l’absence de toute disposition contraire dans la convention de 1858[1], ne peuvent refuser au gouvernement roumain le droit qu’elles se reconnaissent sur ce sujet à elles-mêmes et les unes aux autres, et qu’elles ont souvent mis en pratique. C’est une conséquence de l’autonomie administrative garantie aux principautés. Or chacun de ces états s’est attribué, à tort ou à raison, en mainte circonstance, le droit de déclarer purement et simplement ne plus vouloir que tel établissement de retraite, de bienfaisance et d’utilité publique soit

  1. Nous parlons plus bas du protocole XIII de 1858.