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lutte est aujourd’hui entre deux croyances et entre deux droits. L’église donne à la révolution l’exemple des résolutions inébranlables; il faut donc que la révolution élève dans l’action sa foi et son courage au niveau de la foi et de la fermeté passives que montre l’église.

Quant à nous, indulgens pour les hésitations que peut faire naître dans le cœur d’un chef d’état la responsabilité d’une résolution aussi grave que celle qui est aujourd’hui demandée à l’empereur par les partis et par la force des choses, nous avons ouvert un avis qui pourrait jusqu’à un certain point mettre à couvert les scrupules de notre gouvernement. Nous avons exprimé le désir que le pays fût consulté par des élections générales. Il n’y a en effet que deux façons d’en finir avec la question romaine. Il faut ou que l’empereur prenne l’initiative et la responsabilité d’une solution, ou que la solution sorte des entrailles du pays, interrogé sur ce dilemme : la France doit-elle être fidèle aux principes de la révolution et cesser toute intervention entre le pape et les Romains, ou bien doit-elle, au mépris des droits du peuple italien, étayer indéfiniment une théocratie croulante, incapable de se réparer et d’exister par ses propres forces?

Le gouvernement voudra-t-il prendre sur lui la responsabilité de la décision? Nous convenons que cela le regarde, et, tout en maintenant nos réserves en faveur de l’intervention du pays dans ses plus grandes affaires, nous nous accommoderons de la résolution du gouvernement, si elle est conforme aux principes que nous soutenons dans la question romaine. Les habitués des coulisses affirment au surplus que le gouvernement est à la veille de prendre son parti. Le retour de l’empereur de Biarritz est indiqué comme la date à laquelle serait prise la résolution gouvernementale. Ce n’est un mystère pour personne que la question de Rome divise notre cabinet : une portion du cabinet soutiendrait les opinions tergiversatrices et temporisatrices qui sont représentées dans la presse par le journal la France ; une autre fraction voudrait que notre pays sortît de cette impasse de Rome en laissant en Italie les choses s’arranger dans le sens de la logique des événemens qui s’accomplissent depuis 1859. À ce propos, un mot devenu archaïque sous ce régime, un mot choquant comme un souvenir du parlementarisme, celui de crise ministérielle, est vaguement murmuré. Une circonstance toute naturelle, où se trouveront en présence les deux opinions qui partagent le ministère et où l’empereur devra se décider pour l’une ou pour l’autre, est le conseil où sera examinée, dit-on, la réponse que M. Thouvenel a dû préparer à la dernière circulaire du ministre des affaires étrangères d’Italie, le général Durando. Ce document diplomatique, écrit après l’échec de Garibaldi, est un appel pressant adressé à l’Europe, et plus particulièrement à la France, touchant la question de Rome. M. Durando y fait valoir avec une certaine chaleur le sacrifice que l’Italie a dû s’imposer en réprimant l’élan du patriotisme dont Garibaldi est la personnification illustre. Il parle de Garibaldi avec un accent généreux, à côté duquel forment un pénible contraste les velléités qu’a eues le