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satisfaisans, il est inscrit définitivement sur la liste des élèves, ce qui lui assure pendant dix années certains privilèges, tels que l’instruction gratuite dans les différentes branches de l’art, l’usage d’une bibliothèque et l’entrée dans les cours publics. L’Académie envoie même tous les trois ans à Rome un élève choisi, dont elle paie les frais de voyage, et auquel elle alloue une pension de 100 livres sterling. L’enseignement distribué par l’Académie royale de Londres est à coup sûr libéral et éclairé ; mais suffit-il pour inculquer à fond les élémens de l’art ? Plusieurs en doutent. D’un autre côté, il n’existe guère à Londres, comme chez nous, des ateliers de peinture dirigés par des maîtres qui mettent une sorte d’orgueil à provoquer les succès de leurs élèves. Les autres écoles de dessin ont le même caractère public que les écoles de l’Académie, et lui sont généralement très inférieures. Beaucoup d’artistes anglais qui occupent un rang distingué n’ont d’ailleurs passé ni par les unes ni par les autres ; ils ont appris un peu au hasard, tantôt par eux-mêmes, tantôt sous la direction d’un peintre quelconque ; il y en a même qui sont arrivés à la carrière des arts après être partis de professions très différentes. De cette absence de discipline résulte trop souvent chez les peintres d’outre-mer une infériorité dans la pratique du dessin qu’ils cherchent à masquer par l’éclat des couleurs. Une autre conséquence est que les médiocrités, n’étant point soutenues par un fort enseignement technique, tombent beaucoup plus bas qu’ailleurs, tandis que les hommes d’un vrai talent, libres d’une direction imposée, dégagent plus volontiers leur moi en peinture, et impriment à leurs ouvrages ce caractère de fantaisie individuelle qui est le trait dominant de leur pays.

En Angleterre, où l’on redoute les envahissemens de l’esprit de corps et l’ombre même de la centralisation, l’autorité de l’Académie royale devait être plus ou moins battue en brèche par des concurrences ; elle en a rencontré presque dès l’origine dans l’Institution britannique (British Institution), la Société des Artistes (Society of British artists), l’Institution nationale (National Institution) et la Société des peintres à l’aquarelle (Society of painters in water colours)[1]. Le principal objet des artistes dissidens était d’exposer leurs ouvrages sans subir le contrôle des académiciens. À chacune de ces associations se trouve en effet attachée une galerie où le public est admis de temps en temps sous certaines conditions, et où figurent les tableaux des associés offerts pour la vente. Qui ne comprend que, dans un pays où l’art n’est point protégé par l’état, la publicité est encore plus qu’ailleurs une question de vie ou de mort

  1. Genre tout particulier à l’Angleterre, et qu’occupe un grand nombre d’artistes : ces derniers se plaignent amèrement qu’il n’y ait point de place pour leurs œuvres à l’exposition annuelle de la National Gallery.