Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/693

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers le passé que devrait regarder l’école espagnole, c’est vers le présent et l’avenir. Le passé est le linceul éclatant dans lequel elle a laissé sa puissance.

L’école moderne italienne présente, comme la société elle-même au-delà des Alpes, un état de transition ; l’église et la révolution, les moines et Garibaldi, le cloître et la place publique, l’enivrement d’une jeune nationalité qui s’éveille, un ancien régime qui tombe, tout cela se mêle, se heurte, se coudoie dans un désordre inévitable. Et pourtant ne pourrait-on pas dire, à un certain point de vue, que la question d’art est devenue à ce moment même pour l’Italie une question politique ? Les peuples ne s’appartiennent bien que quand ils se sont ressaisis eux-mêmes dans une idée. L’étude de l’Italie par les Italiens, l’amour de la mère-patrie exprimé sur la toile, une source d’inspirations communes puisées dans les profondeurs du sentiment national feraient peut-être autant pour l’unité italienne que les armes et les intrigues diplomatiques. Il est à remarquer qu’un assez grand nombre d’artistes italiens semblent avoir compris leur mission en s’attachant avec une sorte de piété aux scènes de la nature transalpine et à la peinture de mœurs. La Vie à la Campagne, par M. Perotti, nous transporte bien au milieu d’un paysage italien, remarquable surtout par la grandeur des lignes. Il ne faudrait point chercher l’élégance et le comfort des fermes anglaises dans cette vieille masure à fenêtres défoncées avec une terrasse gardée par une rampe de bois que M. Marchesi nous donne pour un monument de l’industrie agricole ; mais l’amour du pays est comme le lierre, qui volontiers se marie aux ruines. MM. Girolamo et Domenico Induno ont célébré quelques épisodes des derniers événemens historiques auxquels l’Italie doit son affranchissement. On remarque surtout du dernier le Bulletin de la Paix de Villafranca ; un groupe se trouve réuni près d’une des portes de Milan, où un jeune garçon, marchand d’images, présente au choix d’un soldat autrichien blessé et prisonnier les portraits de Garibaldi, de Victor-Emmanuel, de Cavour ou de l’empereur Napoléon III. L’école italienne contient certainement des germes de rénovation ; un des obstacles qui s’opposaient jusqu’ici au développement de ces germes était le fractionnement des moyens de publicité. Des expositions ayant le caractère d’expositions de province avaient lieu quelquefois à Turin, à Milan, à Florence ; mais l’art ne peut se rajeunir que dans un concours régulier de toutes les forces appelées à se réunir vers un centre.

La Belgique est peut-être un exemple qu’on pourrait citer à l’Italie de l’influence des arts sur la nationalité. Ce petit pays, sans caractère bien tranché, a trouvé en peinture dans les attachas du sol