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de femmes, M. Johann Raffalt a voulu mettre en quelque sorte l’immensité dans une petite toile. L’Allemagne n’a-t-elle rien à nous raconter de ses chasses ? Des chiens acharnés après un ours mort dans un paysage de nuit, tandis que les chasseurs se chauffent à distance devant un feu de branches, tel est le sujet traité avec assez de vigueur, mais surtout avec beaucoup de couleur locale, dans le tableau de M. Gauermann, une Chasse à l’ours.

La Suisse forme une sorte de lien, par le caractère du paysage aussi bien que par les mœurs, entre l’Allemagne et l’Italie. Il existe une école de peintres suisses, si l’on entend par là un ensemble d’inspirations reliées autour d’un centre. Ce centre est la vieille Helvétie avec les aspects si variés de la vie alpestre. Pourtant tous les points de vue de cette belle contrée ne se prêtent point avec un égal bonheur à la peinture. Il y a dans les pays de montagnes des grandeurs qui défient le pinceau de l’artiste. Telles scènes des Alpes portent en quelque sorte l’idéal en elles-mêmes ; l’imagination n’y peut rien ajouter. La nature semble avoir dit là son dernier mot. Et puis les paysages à caractère colossal laissent très peu apparaître l’homme ; il y figure tout au plus comme un accessoire ; on sent que tout ici se passerait bien de lui, tandis que, dans les paysages plus humbles, les mille détails de la nature ne prennent une valeur réelle que réfléchis par le cerveau de l’artiste. C’est assez dire que nous nous occuperons très peu des essais, honorables d’ailleurs, tentés par quelques peintres suisses pour franchir les limites de leur art et pour transporter sur la toile l’infini des neiges, le vague de l’espace, l’immensité des rochers perdus dans l’immensité du ciel. Il vaut mieux ne s’arrêter qu’à des ouvrages moins ambitieux, où la vie s’associe plus naturellement aux scènes du paysage. Dans ce dernier ordre se range à coup sûr l’Intérieur d’une forêt pendant l’hiver, par M. Gustave Castan. On ne sent pas seulement ici la grandeur solitaire d’une région boisée ; on sent de l’air, de la lumière ; on saisit le frisson des feuilles roussâtres, le mouvement des arbres tordus par le vent ; on devine même dans un groupe à peine indiqué la présence de l’homme. La vie sous une autre forme anime les Pâturages de M. Charles Humbert, le Ranz des vaches de M. Lugardon, etc. Les chasseurs de chamois ont fourni à M. de Meuron un épisode intéressant, le Repos sur les rochers. Trois hommes sont réunis : l’un à barbe grisonnante, à traits heurtés et caractéristiques, au nez rougi par le vent, prend son frugal repas ; un autre debout s’appuie sur son bâton ferré ; un troisième, penché et les mains à terre, se désaltère à une source. Les beaux lacs de la Suisse ont aussi leurs fureurs ; on peut en juger par une Tempête sur le Lac des Quatre-Cantons, par M. Louis Mennet. De tous