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À l’école allemande se rattachent certaines questions d’art que j’écarte à dessein, parce qu’elles ont été résolues plus d’une fois dans la Revue avec autorité. Au reste, la peinture historique et religieuse, qui soulève surtout ces problèmes et ces théories, se trouve très peu représentée à l’exposition de 1862. Il n’y a guère que l’Incendie de Rome, par M. Piloty, qui pourrait nous ramener vers ce terrain. Il nous suffira de dire qu’au milieu d’une scène de ruines et d’horreur, la figure de Néron couronné de roses exprime bien l’exaltation mystique du despotisme, l’adoration efféminée de soi-même, et l’indifférence brutale aux maux des autres hommes. À cela près, et si je tiens compte encore de deux autres pages historiques, la Mort de Niclot, roi des Obotrites, par M. Schloepcke, et la Bataille de Hochkirch, par M. Adolphe Menzel, la Prusse n’a guère envoyé cette fois que des tableaux de genre. Nous serons ainsi plus à même de poursuivre dans les ouvrages prussiens l’histoire des mœurs et le caractère du pays. Il éclate, ce caractère, dans la Chapelle de la Forêt, par M. Gustave Gerlach : une ruine éclairée par la lune, un daim qui, rassuré par la nuit, le silence et la solitude, marche bravement sur la neige, des arbres dépouillés qui se tordent au vent, et toute la morne sérénité d’un hiver germanique. Quoique le paysage, même en l’absence de l’homme, ait une âme que lui communique l’artiste, il est toujours plus attrayant de voir les événemens de la vie humaine associés aux grandes scènes de la nature. Ces dernières conditions se trouvent réunies dans les Funérailles à travers la forêt, par M. Knaus. Ce sont toujours des arbres ; mais cette fois on croit sentir une sympathie entre les feuilles, qui vivent peu, et la destinée de l’homme, le mystère de la tombe enveloppé dans le mystère d’une forêt. La procession s’avance ; en tête marchent les jeunes garçons et les filles de l’école du village, chantant l’hymne des morts, et précédés par un adolescent qui porte une croix noire avec la hardiesse et l’orgueil de son âge. Vient ensuite le pasteur à figure ascétique, puis la bière, suivie par de vieux paysans, hommes et femmes. Sur le chemin, le cortège rencontre ce que les Anglais appellent un oiseau de prison, c’est-à-dire un malfaiteur qui a fait plus d’une fois connaissance avec la justice. Le misérable se tient debout sur la route, les yeux baissés, tête nue, dans une attitude de respect bourru, tandis que les enfans détournent de lui les yeux avec horreur. Peut-être est-ce le père ou la mère de ce vagabond qu’on porte en terre ? Cette dernière partie du drame n’est pas suffisamment indiquée. Un autre artiste prussien, M. Boser, a touché, sans en avoir l’air, aux mœurs religieuses de l’Allemagne dans sa Jeune Paysanne allant à l’église. Une grosse bible usée, à fermoir de cuivre, sous le bras, un fichu rouge noué sous le menton, une