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des pêcheurs hollandais tel que je l’avais rencontré dans les îles du Zuyderzee, la veste courte et brodée, le gilet long, le pantalon à larges plis, les bas de laine et les gros sabots maintenus par un cercle de fer. Les habitans de l’île d’Amack sont en effet des colons hollandais qui se sont fixés là au commencement de ce siècle et qui sont devenus les jardiniers de Copenhague. Un autre ouvrage du même artiste, la Fin d’une Fête, est également une excellente peinture de mœurs : un froid rayon de jour entre dans une salle qui a été échauffée et animée toute la nuit par une fête rustique ; la ronde tourbillonne encore autour d’un poteau couronné de feuillage ; le ménétrier tient bon, mais un petit joueur de flûte bâille et détend avec désespoir ses bras fatigués ; un groupe d’hommes et de femmes endormis se presse en désordre autour d’une table où d’autres boivent du café ; l’une de ces belles dormeuses, une jeune fille, vient d’être réveillée par son amant joyeux ; comment ? on le devine à sa confusion naïve, à son petit air moitié souriant, moitié boudeur. Il est à remarquer que les Anglais prennent un intérêt particulier à ces peintures de la vie du Nord ; quelques gouttes de sang danois coulent encore dans les veines de la race anglo-saxonne, et cette dernière regarde volontiers comme sœur une civilisation, fille des mers, qui a grandi sous l’influence religieuse du protestantisme. Dois-je ajouter que les trois écoles scandinaves ont excité une véritable surprise par le nombre et le talent des artistes ?

Le Danemark nous conduit naturellement à la Hollande. On s’est beaucoup trop hâté de dire que la peinture néerlandaise, après avoir jeté un vif éclat, s’était complètement effacée du sol qui a produit Rembrandt, Ruysdael, Paul Potter et Berghem. Cela pouvait être vrai de 1815 à 1830, alors que les Pays-Bas, réunis à la Belgique, avaient subi la discipline de l’école de David, si étrangère aux mœurs et au génie hollandais. Cela, Dieu merci, n’est plus vrai aujourd’hui. Depuis la séparation, l’instinct des artistes les a ramenés naturellement à leurs polders, à leurs grasses prairies, à leurs canaux, à leurs tourbières. J’ai cru revoir la Hollande en visitant la galerie consacrée aux artistes néerlandais : c’étaient bien les mêmes routes sablées, côtoyant un lac bordé de gazon, avec un grand moulin à eau qui s’élève dans un ciel moutonneux ; je reconnus Scheveningen et les bords de la mer, avec les bateaux de pêcheurs échoués sur la grève et un train de forts chevaux qui cherchent à les remorquer. N’ai-je point retrouvé aussi de tristes et pénibles souvenirs ? Après l’inondation, ce saisissant tableau de M. de Haas, me rappela les environs de Venendaal, que j’avais parcourus en 1855. Voilà bien ces plates prairies avec un rideau de saules déchirés et courbés par la violence du déluge qui les a envahis ; çà et là, des chevaux et des bestiaux morts