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UNE STATION
SUR
LES COTES D’AMÉRIQUE

I.
NEW-YORK PENDANT LA GUERRE.


I.

Ce fut au mois de novembre 1861 que les complications toujours croissantes des affaires aux États-Unis vinrent arracher à une douce quiétude les équipages de la station des Antilles françaises. Il faut avoir connu ce climat si séduisant dans sa perfide langueur pour comprendre sur quelle insensible pente les jours y succèdent aux jours, et par quel charme secret la vie s’écoule au sein d’une apparente monotonie, sans que l’on désire y rien changer, sans que l’on songe même à regretter une seule des heures abandonnées de la sorte au cours de l’eau. Le théâtre de cette molle et paresseuse existence n’était pas d’ailleurs sans offrir quelques contrastes; tantôt c’était la Basse-Terre de la Guadeloupe, blottie dans son nid de verdure au pied du colossal volcan de la Soufrière, tantôt la ville moderne de la Pointe-à-Pitre avec sa rade semblable au lac d’un parc anglais où la baguette d’une fée aurait semé les trésors éblouissans de la flore tropicale, ou bien c’était la Martinique, c’était Fort-de-France, jadis l’humble Versailles de nos Antilles, aujourd’hui la nécropole administrative que notre expédition du Mexique a fait sortir de sa léthargie. Parfois enfin c’était Saint-Pierre, où chaque pas