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Mais que vous étiez plus heureuse
Lorsque vous étiez autrefois,
Je ne veux pas dire amoureuse ;
La rime le veut toutefois.
……….
Je pensais (car nous autres poètes
Nous pensons extravagamment)
Ce que, dans l’humeur où vous êtes,
Vous feriez si, dans ce moment,
Vous avisiez en cette place
Venir le duc de Buckingham,
Et lequel serait en disgrâce
De lui ou du père Vincent.

Le père Vincent était le confesseur de la reine. « Elle ne s’offensa point de cette raillerie, ajoute Mme de Motteville. Elle a trouvé les vers si jolis qu’elle les a tenus longtemps dans son cabinet. Elle m’a fait l’honneur de me les donner depuis, et, par les choses que j’ai déjà dites de sa vie, il est aisé de les entendre. »

Un souvenir si long, rappelé et accueilli avec tant de liberté, prouve à la fois que le sentiment d’Anne d’Autriche pour Buckingham avait été très vif, et qu’il n’avait laissé, dans l’esprit de la reine et de ses entours, point de fâcheux embarras.

À ces témoignages français j’ajoute un témoignage anglais, non moins formel et clair. Quand Buckingham fut rentré en Angleterre, amenant Henriette-Marie à Charles Ier, lord Holland, qui l’avait aussi accompagné, retourna à Paris, où l’attirait la passion de Mme de Chevreuse, et où il continua d’être l’agent confidentiel de son patron. Parmi les lettres qu’il lui adressa se trouve celle-ci, non datée, mais qui appartient évidemment à la fin de l’année 1625 ou au commencement de 1626 :


« Toute la joie que j’ai ici est tellement gâtée par votre absence, que, je vous l’assure devant Dieu, je n’en jouis pas comme je devrais. J’y trouve tout ce que la beauté et l’amour peuvent donner de parfait bonheur, et pourtant je m’ennuie et m’irrite de rencontrer tant d’obstacles à nos desseins et aux services que je voudrais vous rendre. D’abord, quant aux affaires d’état, je trouve qu’il n’y a, auprès du roi de ce pays-ci, point de place pour notre médiation. Nous ne pouvons qu’user de notre influence auprès de ceux de la religion pour les amener à des conditions raisonnables. Cela fait, on aura, si je ne me trompe, grande envie que nous nous en allions, car on ne veut pas que nous soyons si importans dans ce royaume, ni que les protestans imaginent que nous y disposons de la paix. Quant à notre alliance, que vous avez traitée à La Haye, ils en parlent ici comme gens qui veulent bien y faire quelque chose, mais non pas aussi effectivement et amicalement que nous