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tion des esprits qui sont exacts et respectueux les uns envers les autres, même aux plus petites choses, et ne veulent rien répondre qu’ensemblement. M. l’ambassadeur écrit si amplement, et j’espère être sitôt en France que j’estime à propos de remettre à vous entretenir de vive voix sur cette affaire. Seulement je nous dirai que la dispense est pure et simple. »

Pendant que l’affaire prenait ainsi fin à Rome, le comte de Brienne était traité à Londres avec un grand étalage de bienveillance, mais sans qu’il obtînt pour les catholiques les conditions nouvelles qu’il avait mission de solliciter. Ni le roi Jacques, ni le prince Charles, ni le duc de Buckingham ne voulaient rentrer en lutte avec le parlement, et ils voyaient bien que la cour de France avait à cœur, autant qu’eux-mêmes, la conclusion du mariage. Le comte de Brienne passait son temps en visites et en fêtes, quand la nouvelle arriva à Londres que le pape avait accordé ce qu’on lui demandait. « Cela fit tant de plaisir au roi d’Angleterre, dit Brienne, qu’il me pressa de partir; à quoi je n’eus pas de peine à me résoudre, d’autant que l’on avait inséré, dans la ratification qui me fut remise, la qualité de roi de France et de Navarre, contre l’ancien usage de l’Angleterre qui prétendait ne donner à sa majesté très chrétienne que celle de roi des Français. Sa majesté britannique ordonna aussi qu’on mît en liberté les prêtres qui étaient en prison à cause de la religion; mais les officiers anglais y avaient tant de répugnance qu’ils cherchaient toute sorte de moyens pour tirer la chose en longueur, persuadés qu’ils étaient que je m’impatienterais, et que je partirais avant que l’ordre eut été expédié; mais, s’apercevant que leur retardement était inutile et ne servait qu’à me faire presser davantage, ils eurent recours à un artifice dont je ne fus pas dupe : ce fut de me faire dire que ces prisonniers n’étaient retenus que pour la dépense qu’ils avaient faite dans les prisons. J’en demandai l’état et j’offris de les acquitter, dont ils eurent tant de honte que, dès ce jour même, les prêtres et les autres ecclésiastiques catholiques furent élargis. »

En même temps le roi Jacques fit écrire au comte de Carlisle : « Quant au mot liberté (inséré dans l’écrit particulier à propos des catholiques), sa majesté laisse cela à votre discrétion. Vous lui rendrez un bon service, si vous pouvez obtenir qu’il soit effacé; mais elle ne voudrait, à aucun prix, qu’on y insistât de façon à causer quelque mauvaise humeur entre les deux cours. Ce serait détruire une partie de son dessein, qui est d’amener entre elles non-seulement un mariage, mais de l’amitié. Pour que cela soit, il faut terminer amicalement l’affaire, et adoucir ce qu’il peut y avoir eu de rudesse dans la négociation. »

Lord Carlisle n’insista point, et ce mot de liberté, qu’il avait ap-