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portion entre la France, l’Italie et l’Espagne; la réputation dans le maniement des affaires, l’usage et l’accroissement de l’autorité sont les seuls points qui conduisent les Romains dans leurs conseils, et qui me semblent y avoir plus de poids que les raisons de théologie... Le propre de cette cour est de s’étendre fort en paroles et de ne pas traiter les affaires sommairement, celles surtout qui regardent les hérétiques, à l’égard desquels ils sont toujours dans la défiance et trop souvent excessifs dans leurs précautions. »

Le père de Bérulle ne se trompait pas. Quand il s’agit de rédiger et d’expédier la dispense qu’elle avait résolu d’accorder, la cour de Rome essaya d’élever des exigences et de susciter des lenteurs nouvelles; le pape, en envoyant la dispense à son nonce à Paris, « lui donna ordre, dit Richelieu, de ne la point délivrer que les articles, que sa sainteté avait dressés en langue latine, ne fussent signés de la main des deux rois. »

Le roi Jacques se récria contre le latin. « On ne lui demandait cela, dit-il, qu’en dessein de le faire intervenir dans un acte qui parlât en catholique, ce qu’il ne voulait pas, sa majesté très chrétienne ne l’y pouvait raisonnablement obliger, et il suffisait que les articles latins fussent signés par elle, qui seule traitait avec le pape, et non pas lui. »

Ce ne fut pas seulement du latin que se plaignirent les Anglais ; ils trouvèrent, dans les articles ainsi dressés par la cour de Rome, des phrases qui, soit directement, soit par leur tendance, dépassaient, en faveur des catholiques d’Angleterre, ce qui avait été stipulé dans l’article secret convenu entre les deux rois. Saisi d’un accès de méfiance anglaise et protestante, le principal des deux commissaires du roi Jacques, le comte de Carlisle, vit là non-seulement une prétention du pape, mais un concert entre le cardinal de Richelieu et le pape pour entraîner le gouvernement anglais et lui extorquer plus qu’il n’avait promis. « Ces gens-ci, écrivit-il au duc de Buckingham, sont devenus si déraisonnablement et indiscrètement présomptueux, qu’après un traité conclu, signé et juré par sa majesté, ils veulent nous imposer une tolérance directe et publique, non par voie de connivence, promesse ou écrit secret, mais par une notification publique à tous les catholiques des royaumes de sa majesté, laquelle devrait être confirmée, sous serment, par sa majesté et le prince son fils, et attestée par un acte public, dont copie serait délivrée au pape ou à son-ministre, et qui lierait à jamais sa majesté et les successeurs du prince... Ce sont là des altérations et des additions nouvelles, extravagantes en elles-mêmes et incompatibles avec l’honneur de sa majesté et la paix de son royaume. » Le comte de Carlisle ne se contenta pas de s’élever contre ces additions; il alla jusqu’à dire que « dans l’écrit secret qui avait été ad-