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ferait-on pas tant d’instances d’observer les rigueurs des lois contre eux. »

Pendant trois mois, on s’obstina de part et d’autre dans cette discussion, où les raisons que s’opposaient les deux parties étaient, pour chacune d’elles, bonnes et puissantes. Le roi Jacques et ses conseillers avaient fait, par la négociation espagnole, l’expérience de l’irritation que soulèverait en Angleterre tout acte officiel en faveur des catholiques et de leur liberté. Louis XIII et le cardinal ne pouvaient se contenter d’une promesse verbale à laquelle ni le pape ni le public européen n’ajouteraient aucune foi. Le roi Jacques fut le premier à céder; quand l’arrivée et les instructions du marquis d’Effiat l’eurent convaincu qu’à Paris on ne conclurait rien sans l’engagement écrit qu’on lui demandait, il ordonna à ses négociateurs d’y consentir, et, à peine informé de ce succès, Richelieu se promit d’en retirer non-seulement plus de facilité pour obtenir à Rome la dispense nécessaire au mariage, mais un avantage permanent pour la situation générale de la France en Europe et son influence en Angleterre. « J’apprends, écrivit Louis XIII au marquis d’Effiat[1], que les onze articles sont accordés, ce qui me satisfait beaucoup... L’amitié des catholiques anglais est le fruit que je prétends de cette alliance. Je désire donc qu’ayant l’effet de ce qui nous a été accordé, vous tâchiez à obtenir d’eux une lettre à moi pour me remercier, afin que je la puisse envoyer à Rome, ce qui faciliterait la dispense et les attacherait à mon service. Et lesdits catholiques vous accordant ce que vous leur aurez demandé, vous aurez à le tenir très secret, pour ne les perdre, car telle chose serait connue qui procurerait entièrement leur ruine par les appréhensions vaines que cela donnerait, et dont le premier je ressentirais le mal. »

Mais quand la question de l’engagement écrit au lieu de la promesse verbale fut vidée, il s’en éleva aussitôt une autre : l’engagement écrit serait-il public ou secret? Les négociateurs français demandèrent qu’il fût textuellement inséré dans le contrat de mariage de la princesse; les Anglais s’y refusèrent absolument; le contrat, dirent-ils, devait être soumis au parlement ; il serait impossible à leur roi d’y faire passer un tel article, et l’ardente résistance des deux chambres éclaterait aussitôt. A l’appui de leur refus, le roi Jacques et ses conseillers, sans en avouer le dessein, laissèrent pendant quelques semaines aux lois contre les catholiques leur libre cours, présumant bien que les catholiques prendraient l’alarme, et qu’à Paris comme en Angleterre on sentirait le prix de la tolérance silencieuse qui leur était offerte. Leur conjecture était fondée ; Richelieu et ses collègues réclamèrent vivement contre ces rigueurs

  1. Le 7 août 1624.