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si le roi et le prince, outre le goût qui les y porte, ont autant de raisons d’état pour persister dans ce dessein, qu’ils le poursuivent rondement et clairement, et j’ose promettre un accueil aussi satisfaisant qu’on peut l’imaginer ou le désirer. »

Lord Kensington ne se borna pas à rendre compte au duc de Buckingham de ses premiers pas dans sa mission et des dispositions qu’il rencontrait; il écrivit au prince Charles lui-même du ton et avec les détails qui pouvaient le plus toucher ce cœur facile aux impressions gravement tendres et romanesques. « Je trouve ici, lui dit-il, tant d’estime pour votre personne et votre mérite que toute personne, moi-même le moindre de tous, qui sera regardée comme venant et parlant de votre part recevra des honneurs infinis... Et vraiment, monseigneur, si vos intentions personnelles sont d’accord avec tant de raisons d’état qui conseillent de presser la conclusion de cette affaire, vous trouverez ici une dame aussi digne, par ses charmes et sa douceur, de votre affection que peut l’être aucune créature sous le ciel. D’après ses manières depuis que je suis ici et tout ce que j’entends dire aux dames de la cour, ses infinis mérites et son respect pour vous me sont évidens. Je ne dis pas cela, monseigneur, pour entraîner votre opinion, mais d’après des observations certaines et une exacte connaissance des faits. J’admire d’autant plus la personne de Madame que l’impression qui m’était restée d’elle était assez ordinaire et que j’ai été très étonné en la trouvant, j’en jure devant Dieu, la plus charmante créature de France. Sa taille est petite, au-dessous de son âge; mais son esprit est infiniment au-dessus. Je l’ai entendue parler à sa mère et aux dames autour d’elle avec une finesse et une vivacité singulières. Elle danse, et cela je l’ai vu, comme je n’ai jamais vu danser personne. On dit qu’elle chante aussi agréablement... Votre réputation a inspiré à cette charmante princesse un tel penchant pour vous qu’elle n’a pu taire son désir passionné de voir votre portrait ; mais elle ne savait comment y parvenir. Je le porte à mon cou, et la reine et les autres princesses l’avaient ouvert et regardé, toujours avec admiration; mais cette pauvre jeune princesse ne l’avait entrevu que de loin, elle dont le cœur était bien plus près de vous que celui des autres dames qui le voyaient librement. A la fin, cédant à son impatience, elle a prié la dame chez qui je loge, et qui a été à son service, de m’emprunter ce portrait aussi secrètement que possible, et de le lui apporter, disant qu’elle pouvait bien, comme d’autres, se passer cette curiosité envers une personne d’une telle renommée. Dès qu’elle a vu entrer la dame qui le lui apportait, elle s’est retirée seule avec elle dans son cabinet, et, ouvrant avec précipitation le portrait, elle a laissé paraître sa passion, car elle a rougi tout à coup, comme se sentant coupable. Elle l’a gardé une heure, et