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à Madrid confirma plutôt qu’il ne détruisit cette espérance. Quoique goûtée et célébrée par une grande portion du public européen, cette romanesque expédition fut regardée par les esprits sérieux et prévoyans comme une source de difficultés et de mécomptes entre les cours de Londres et de Madrid bien plutôt que comme un gage de bonne entente et de succès. Quand, à la fin de septembre 1623, Charles et Buckingham quittèrent l’Espagne sans avoir rien conclu, les causes de leur départ et leurs nouvelles dispositions furent bientôt partout connues. On sut bientôt aussi avec quelle ardeur l’opinion publique se prononçait en Angleterre contre le mariage espagîiol. De nouvelles chances s’ouvraient ainsi devant la politique française; ses agens les démêlèrent et les saisirent avec empressement. Le 6 décembre 1623, le comte du Fargis, ministre de France à Madrid, écrivit au commandeur de Sillery, qui, de concert avec son frère le chancelier et son neveu le marquis de Puisieux, dirigeait alors les affaires étrangères : «Je viens d’apprendre que le mariage d’Angleterre retourne à s’embarrasser. Cet avis m’a été apporté par un official d’état, le même qui m’a donné, il y a trois heures ou environ, la copie des papiers que je vous envoie. Il fait mine de m’être confident; mais il joue les deux, à mon avis. Il dit que c’est du côté de l’Angleterre que vient l’orage. J’en saurai la vérité demain au soir au plus tard. » M. du Fargis rend compte ensuite des bonnes dispositions du nonce du pape à Madrid pour la France, et il demande « des bienfaits pour lui. C’est trop peu, monsieur, dit-il, de ne vous donner que moi seul; je voudrais, s’il m’était possible, vous acquérir tout le monde. » Quelques jours plus tard, le 15 décembre, il expose et explique toute la nouvelle situation. « Je crois, dit-il, qu’ayant reçu mes précédentes, vous y aurez vu comme je vous informais en gros que je pensais voir, en la conjoncture présente, une grande disposition à ce que le roi fut arbitre universel de toute la chrétienté, et que la rupture qui paraissait devoir être au traité du mariage entre Espagne et Angleterre acheminât grandement les choses à cette fin. Maintenant, monsieur, je vous dirai par le menu l’état où le tout est réduit de deçà... Les Espagnols sont sensiblement offensés de l’Angleterre, tant pour la forme dont les procurations laissées par le prince de Galles, en partant de cette cour, ont été révoquées que pour quelques incidens qu’ils dissimulent autant qu’ils peuvent, ne voulant pas rompre avec l’Anglais sans se voir assurés d’ailleurs, ce qu’ils ne peuvent faire qu’au moyen de sa majesté. Ainsi M. le nonce résidant par-deçà, lequel, vous savez, a eu grande part jusqu’ici dans leurs conseils, m’est venu trouver, et sur l’occurrence de toutes ces choses m’a proposé un office à faire de deçà, de la part du roi, en la forme que je vous déduirai ci-après, vous ayant premièrement informé qu’il commença par me dire que