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comte de Gondomar, alors dans la fleur de son influence à la cour de Londres, lui en fit des reproches; sir Robert Naunton répliqua vivement; Gondomar s’en plaignit au roi, qui ordonna à sir Robert de rester enfermé chez lui et le suspendit de ses fonctions. L’ambassadeur d’Angleterre en France, lord Herbert de Cherbury, qui, sur la plainte du duc de Luynes à propos de leurs vivacités mutuelles, avait été mandé à Londres, et même remplacé provisoirement à Paris par sir Edouard Sackville, soutint fermement, devant le roi et le duc de Buckingham, ce qu’il avait dit et fait, se déclara prêt à le soutenir en champ clos, et demanda la permission d’envoyer un trompette à M. de Luynes pour lui offrir le combat. Le roi Jacques n’autorisa point ce bouillant procédé; mais il renvoya lord Herbert à son ambassade, ne tenant ainsi en définitive nul compte des plaintes du connétable portées à Londres par le maréchal, son frère. On dit même que, dans ses plus retirés appartemens et avec ses plus familiers courtisans, le roi se livrait envers l’ambassadeur extraordinaire de France à des moqueries grossières. Quoi qu’il en soit, après quinze jours seulement passés à Londres, le maréchal de Cadenet eut à Whitehall son audience de congé, dans laquelle, selon le dire de M. de Tillières, qui y assistait, « le roi se répandit en propos qui ne furent que généraux et ne témoignèrent point que l’on en pût espérer de particuliers. » Le maréchal y répondit généralement aussi et en peu de paroles, et quitta Londres le lendemain 14 (24) janvier 1621 avec toute sa suite. Pendant son séjour, le roi l’avait fait convenablement défrayer, au taux de 200 livres sterling par jour pour son logement, sa table et son écurie; mais au moment de son départ il ne lui envoya, par le maître des cérémonies, qu’un vieux joyau de la couronne, mesquin présent de la valeur de 300 livres sterling. L’ambassade ne fut ainsi qu’une série de susceptibilités et d’humeurs, de pompes et de froideurs alternatives ; elle n’était point nécessaire pour obtenir l’inertie du roi Jacques dans la cause des protestans en France, et quant à son principal objet, le mariage anglo-français, elle échoua complètement.


II.

Pendant trois ans, de 1621 à 1623, les choses en restèrent à ce point. La mort du connétable de Luynes n’amena dans les relations des cours de Paris et de Londres aucun changement, On observait de Paris avec soin et déplaisir les progrès de la négociation suivie pour le mariage anglo-espagnol, on ne laissait échapper aucune occasion d’y susciter quelque embarras; mais on ne faisait point de tentative contraire ; on attendait l’issue, en espérant toujours un peu qu’elle ne serait pas favorable. Le voyage imprévu du prince Charles