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de la religion commune, « car, dit sir Simonds d’Ewes, ce n’était pas alors une question que nous et eux, malgré nos différences en fait de discipline et de cérémonies, nous formions avec tous les autres protestans du monde une vraie église universelle. » Ce même sir Simonds d’Ewes, homme d’esprit et membre considéré de la chambre des communes, alla le 11 (21) janvier 1621 à Somerset-House, curieux de voir l’ambassadeur de France naguère arrivé. « Par inadvertance, dit-il, je me laissai aller avec d’autres au dangereux péché d’être présent pendant que le prêtre disait la messe ; mais j’ai la confiance que nous sortîmes tous de là détestant plus que jamais cette idolâtrie, et nous nous abstînmes de nous incliner et de nous mettre à genoux. Bien plus, pendant cette action, qu’ils regardent comme divine, la plupart des Français assistans parlaient, riaient et s’amusaient d’une façon aussi profane et athéistique qu’auraient pu le faire une bande de petits garçons montés, pendant le sermon, dans le clocher de quelqu’une de nos églises. Quand l’ambassadeur français sortit, je le vis à mon aise, et après une ou deux révérences l’un des prêtres de sa maison vint à moi et me parla en latin; nous nous entretînmes quelque temps, et je maintins, dans cet entretien, que la religion protestante était la vérité, le pape l’antechrist, et autres thèses semblables. Après quoi je le quittai, plus affermi qu’auparavant dans la vraie foi. »

Au milieu de ces froideurs de la cour et de ces antipathies du pays, l’ambassade du maréchal de Cadenet devait être peu agréable et ne pouvait guère être efficace.

Elle le fut cependant sur un point, grâce aux dispositions du roi Jacques lui-même. Il avait peu de goût à se mêler des affaires de ses voisins, et encore moins à soutenir des sujets en rébellion ou seulement en résistance contre leur prince. Quoiqu’il prît grand soin de se montrer en toute occasion protestant décidé, et qu’il le fût en effet, plutôt par esprit de controverse que par vraie foi, il portait aux protestans de France peu d’intérêt, et ne demandait pas mieux que de rester étranger à leurs luttes avec l’autorité royale. Le maréchal de Cadenet eut donc peu de peine à obtenir de lui à cet égard une inaction qui démentait pleinement les paroles et les apparences de bon vouloir qu’obtenaient de leur côté les protestans. Mais quand le maréchal essaya de parler du mariage du prince de Galles avec la princesse Henriette-Marie, le roi Jacques fut très froid, allégua la négociation entamée avec l’Espagne, et repoussa la conversation. Buckingham s’y prêta plus complaisamment, mais point sérieusement; il était alors, ainsi que son maître, engagé dans la combinaison espagnole. L’un des secrétaires d’état, sir Robert Naunton, se permit seul d’être, avec le maréchal de Cadenet, plus expansif et plus favorable à l’alliance française; l’ambassadeur d’Espagne, le