Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 41.djvu/505

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nens discours; que, pour lui, il en avertirait sa majesté, et qu’il était sûr d’avoir bientôt commission de les désavouer. »

Quant au désaveu de l’agent maladroit, M. de Tillières avait raison : le duc de Luynes ne s’en fit faute; mais il ne renonça point au but de la mission et à ses espérances de mariage anglais. Il avait, à cette époque, un autre pressant motif pour rechercher le bon vouloir du roi d’Angleterre : il méditait la campagne qu’il accomplit en effet l’année suivante (en 1621) contre le parti protestant et ses chefs, les ducs de Bouillon, de Rohan et de Soubise; pour réussir dans ce dessein, il avait besoin que le gouvernement anglais, convaincu que la fidèle observation de l’édit de Nantes ôtait aux protestans tout droit de se plaindre quant à leur liberté religieuse, ne prêtât à leurs vues et à leurs ambitions politiques aucun appui. Luynes résolut donc, pour traiter avec le roi Jacques et de la question protestante et du mariage du prince de Galles, de faire envoyer à Londres, non plus un agent obscur, mais une ambassade extraordinaire, sérieuse et solennelle, si solennelle qu’il fut, dit-on, sur le point de s’en charger lui-même; mais il savait les périls de l’absence pour un favori, et ce fut à son frère, le maréchal de Cadenet, qu’il fit donner cette mission. Louis XIII voyageait alors en Picardie et s’était avancé jusqu’à Calais; on prit le prétexte de ce voisinage momentané des deux rois pour attribuer à l’ambassade projetée un motif de pure courtoisie, et vers la fin de décembre 1620 un courrier annonça au comte de Tillières que le roi son maître envoyait au roi d’Angleterre le maréchal de Cadenet comme ambassadeur extraordinaire, et chargeait son ambassadeur ordinaire de faire en sorte « que le maréchal fût reçu avec tout l’honneur qu’il méritait, tant par sa qualité et par les mérites de sa personne que pour être l’envoyé d’un grand roi comme il était. »

Quoique cette ambassade par-dessus la sienne lui fût peu agréable, le comte de Tillières s’acquitta loyalement de sa commission, et prévint d’abord le maître des cérémonies d’Angleterre, puis le duc de Lennox, qu’il savait ami de la France, et le marquis de Buckingham, de la prochaine arrivée du maréchal de Cadenet, en leur exprimant le désir de son roi qu’il fût reçu avec toute sorte d’honneurs. Ils se montrèrent pleins, à cet égard, d’un bienveillant empressement, et « le roi de la Grande-Bretagne, qui est un fin matois, dit M. de Tillières, s’y rendit facile pour plusieurs raisons : l’une, afin de contenter la vanité du maréchal et de sa maison, et l’obliger ainsi à s’ouvrir à lui, afin d’en tirer avantage pour ses affaires, et l’autre, qu’ayant dessein de contenter l’Espagne en choses solides, il voulait satisfaire notre légèreté avec des apparences sans fruits. » Il fut décidé que le maître des cérémonies irait, selon l’usage, recevoir à Douvres l’ambassadeur extraordinaire, que dans sa route le maré-