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son parti d’avance, et assumerait entièrement les responsabilités dont la prudence lui conseille d’atténuer sur lui le fardeau. Que si le gouvernement, sans se préoccuper de la question décisive du moment, faisait soutenir par ses préfets des candidats appartenant à l’une et à l’autre opinion, il montrerait une inconsistance peu utile à son influence. Toutes les circonscriptions électorales ne seraient pas prêtes sans doute à produire des candidatures nettes sur la question romaine, Dans les collèges indécis, l’influence administrative se donnerait plus naturellement carrière ; mais là aussi les votes libéraux pourraient se réunir sur les candidats qui, sans accepter une solution radicale de la question romaine, se montreraient décidés à travailler au développement des libertés publiques. De toute façon il se produirait un vif réveil de vie électorale, une nouveauté féconde dans le régime politique qui fonctionne depuis onze ans. Il y a plus d’un an déjà que parmi les divers groupes d’opinions on se préoccupe des prochaines élections générales. Nous n’avons point participé, quant à nous, à ce petit travail de renaissance parlementaire qu’on avait rêvé un moment à propos de l’acte du 24 novembre. Un cri électoral d’un intérêt universel, saisissant, immédiat, faisait alors défaut. Il n’en est plus ainsi aujourd’hui. C’est pourquoi nous attachons désormais une réelle importance à la question électorale, et nous ne cachons pas la satisfaction que nous éprouverions, si les élections avaient lieu à une date prochaine.

Tel est notre vœu, mais nous n’hésitons pas à confesser que telle n’est point notre espérance. Les mêmes motifs accidentels qui retardent, nous ne disons pas une solution, mais même un nouvel examen de la question romaine dans les conseils du gouvernement, ont dû empêcher qu’aucune détermination fût arrêtée au sujet des élections. Si l’on en juge par les mesures sévères qui ont été prises, il y a quelque temps, par M. de Persigny, soit à l’égard de la presse cléricale, soit envers la Société de Saint-Vincent-de-Paul, il semblerait que la politique électorale du ministre de l’intérieur eût été préparée dans un sens défavorable à ce que nous appellerons, faute d’un meilleur mot, le parti catholique. Récemment toutefois des dispositions différentes semblent avoir pénétré dans le gouvernement. Les anciens organes de l’administration s’efforcent en vain de diminuer la portée de la création du journal la France, ce journal lui-même a beau réclamer avec une modestie affectée les honneurs de l’indépendance ; un fait ne frappe pas moins les yeux de tous : la publication de ce journal, sa polémique, donnent à penser qu’il existe autour du pouvoir deux façons de voir différentes, deux systèmes opposés. Ce n’est un mystère pour personne que la politique représentée dans la presse par M. de La Guéronnière n’est point celle de M. de Persigny. Est-il possible qu’il y ait des élections générales avant que l’un des deux systèmes ait prévalu au sein du pouvoir ? M. de Persigny pourrait-il diriger des élections, tandis qu’il demeurerait permis à une portion du public de voir dans les polémiques de la France une