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habitude invétérée, ses irritations et ses mécomptes, l’opposition dynastique marchait à grands pas vers le terme à mi-chemin duquel il aurait été politique de l’arrêter par une concession opportune, puisque la politique sera toujours l’art de transiger à propos avec les passions humaines. La session de 1847 était à peine terminée que la gauche commençait la trop fameuse campagne des banquets, et qu’elle allait demandant aux opinions les plus avancées, dans soixante agapes démocratiques organisées sur tous les points de la France, le concours bruyant que le pays légal n’aurait eu ni la puissance ni la volonté de lui donner. Si les honorables chefs de l’opposition avaient commencé par faire de louables efforts afin de maintenir à ces manifestations extra-parlementaires un caractère constitutionnel, il avait bientôt fallu fermer les yeux sur la couleur du drapeau sous lequel arrivaient des alliés indispensables au succès de la cause commune, et le livre de M, Garnier-Pagès présente sur ce point-là des détails du plus triste intérêt. Une fois déjà le gouvernement représentatif avait touché à de telles extrémités, car, la campagne de la coalition ayant dix années auparavant précédé celle des banquets, la royauté s’était trouvée en face des mêmes impatiences et des mêmes passions. Chacun pouvait puiser ses prévisions dans ses souvenirs. Le cas cependant était beaucoup plus sérieux, car le ministère de M. Molé avait à peine duré deux ans, et celui de M. Guizot avait dépassé le terme de sept années : circonstance aggravante qui semblait tout permettre et tout légitimer, tant une pareille durée paraissait anormale.

La révolution de juillet avait retiré le bénéfice de la septennalité à la chambre élective, envisageant un terme aussi long comme peu compatible avec le génie national. Attribuer à un cabinet une longévité dont aucune de nos assemblées délibérantes n’avait approché, même de loin, c’était pour la couronne une entreprise dont les avantages ne compensaient pas les périls. Nos mœurs parlementaires ne comportaient pas malheureusement une telle permanence dans le personnel du gouvernement, si éminent que fût alors celui-ci. Cette durée fut rendue plus difficile encore lorsque, la lutte quotidienne contre les factions étant terminée par l’établissement incontesté de la monarchie nouvelle, l’esprit de parti eut cessé d’exercer au sein des chambres une pression toujours-utile parce qu’elle agrège et qu’elle fortifie. Au lieu de combattre, l’on manœuvra sous le coup des impatiences d’une opposition que stimulait la gratuité de son mandat ; l’on aspira dès lors à la victoire beaucoup moins pour sa pensée que pour sa personne, et l’on se trouva conduit à souhaiter le pouvoir bien moins pour l’exercer dans l’intérêt de son parti qu’afin de garder ou de conquérir de l’influence. Puis, les vanités venant se greffer sur les ambitions, les susceptibilités littéraires se substituant