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de rejetons populaires un avenir durable. Ses débuts en Europe avaient été difficiles. Elle n’avait point étalé devant les vieilles dynasties l’orgueil menaçant d’une origine récente, et l’on n’avait pas manqué d’imputer sa réserve à sa faiblesse. D’autres exemples laissent croire que ce gouvernement aurait rencontré plus de facilités pour s’imposer par une attitude comminatoire que pour se faire accepter par la modération de ses actes. Le contre-coup de 1830 en effet n’avait guère moins ébranlé le monde que ne l’a fait celui de 1848. Le royaume des Pays-Bas était tombé au premier souffle de l’orage qui avait relevé nos anciennes couleurs ; la Pologne, que son héroïsme égala presque à la Russie, aurait pu, avec notre assistance, arrêter le seul gouvernement qui déployât alors contre le mouvement occidental une confiance superbe, parce que ce gouvernement n’avait pas encore la mesure de sa faiblesse. L’Italie, à moitié soulevée, menaçait l’Autriche d’une explosion que quelques bataillons français pouvaient transformer en un immense incendie ; l’Allemagne était profondément troublée par les aspirations prématurées du communisme. Entre l’Europe des traités de Vienne, dont Bruxelles et Varsovie venaient chacune de faire tomber un pan, et la royauté révolutionnaire de juillet réclamant l’abrogation des traités de 1815, la partie n’aurait donc point été trop inégale.

Je reconnais même que, si l’on en jugeait par les événement et surtout par les révélations que l’esprit français a depuis données de lui-même, la maison d’Orléans aurait pu faire un assez bon calcul dynastique en réveillant à son profit les immortels instincts qui dorment sans s’éteindre au cœur d’un peuple de soldats. Si tous les hommes d’état appelés dans ses conseils se refusèrent à faire courir à la France de tels hasards, c’est que la question nationale les préoccupant exclusivement, ils considéraient avec raison une pareille politique comme contraire aux intérêts publics, et comme pouvant conduire à transformer en dictature un gouvernement modéré. Ces hommes-là s’inquiétaient moins de rendre à la France des frontières qu’ils n’envisageaient pas comme indispensables à sa puissance que de faite fonctionner ses institutions avec une vérité qui avait bien aussi sa grandeur. Quelques déceptions que leur ait gardées la fortune, ils n’auront pas à regretter d’avoir concouru à une œuvre dont l’écroulement a laissé debout certaines maximes accueillies par l’Europe entière au moment où la France semblait les répudier, maximes fécondes vers lesquelles la conscience publique est aujourd’hui ramenée par d’invincibles retours. Issues du mariage du bon sens avec l’expérience, ces idées-là reparaissent à travers les transformations des gouvernemens et les changemens de dynasties, et seront un jour considérée comme le testament même de