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des arts et du commerce moderne, les négocians de toutes les villes de l’Italie ; nombre de visiteurs étaient accourus, pressés d’aller patriotiquement saluer cette première et pacifique ébauche de l’unité italienne. Quel bon accueil réciproque et quelle joie universelle ! Délicates politesses comme entre gens qui se verraient pour la première fois, franche et sérieuse cordialité comme entre parens qui se retrouveraient après avoir été longtemps séparés, peut-être même un peu brouillés, tout y était revêtu et paré de l’aimable bonne grâce italienne. Nul reste des anciennes jalousies de race, des vieilles rivalités de province à province, et presque de ville à ville.

Les déplorables divisions de 1848 et de 1849 ont servi de leçon à ce peuple intelligent. Les Autrichiens l’ont vaincu parce qu’il n’avait pas su être uni ; il se plaît maintenant à faire parade de son union comme d’une force. Pour cela, toutes les occasions lui seront bonnes. Au premier jour de mon arrivée à Pise, du haut du balcon de mon auberge, je me rappelle avoir vu débarquer dans cette paisible cité un bataillon de la garde mobile de Palerme, mieux habillé, mieux armé par parenthèse, et beaucoup plus aristocratiquement composé, si l’on veut bien me passer l’expression, je ne dis pas que notre garde nationale de 1848 mais que celle de 1830. Toute la ville était sur pied pour recevoir, bouquets en main, avec accompagnement de fanfares militaires, la petite troupe qui venait prendre garnison chez elle. Le lendemain, c’était le tour de ces hôtes nouveaux, quelques-uns peut-être amis de Garibaldi, de payer leur bienvenue. Ils le firent en accompagnant dévotement par toute la ville, enseignes déployées, musique en tête et tambours battant aux champs, une célèbre Madone du Rosaire qui devait, selon l’usage, aller rendre visite à je ne sais quelle autre Madone de la ville. Comme de coutume, à toutes les maisons de toutes les rues, des banderoles de soie pendaient aux fenêtres, et les fleurs pleuvaient des balcons. Comme de coutume aussi, les femmes suivaient la procession enveloppées de leurs longs voiles ; et les cierges étincelaient aux mains des confréries de toute sorte. Avant de rentrer chez elle, la Madone ne manqua pas d’aller, suivant l’usage, bénir du haut du plus vieux pont de la ville le fleuve chéri des Pisans. La fête était finie, mais la population était encore répandue le long des quais, les soldats mêlés aux citoyens, les prêtres coiffés de leur grand chapeau causant familièrement avec les volontaires qui portaient naguère la chemise rouge, lorsqu’au. milieu de cette foule savourant la douceur d’une belle nuit d’automne vint tout à’ coup à passer dans une petite calèche Victor-Emmanuel, revenant d’une de ses chasses favorites aux Cascines. Aussitôt des feux de