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la pensée de ces machines appartenant à des peuples si différens, se demandera-t-il quel est aujourd’hui le nombre des engins de cette sorte circulant sur les voies ferrées du globe. À défaut d’une statistique rigoureusement relevée dans tous les pays, certains élémens peuvent permettre de donner des indications au moins approximatives. Les dernières publications officielles de l’administration des mines nous apprennent qu’à la fin de la période septennale détendant jusqu’au 1er janvier 1860, les chemins français possédaient 3,048 locomotives[1] pour une exploitation embrassant, 9,084 kilomètres. Une proportion fondée sur ces données-là ne saurait à coup sûr conduire à un résultat mathématique. Tous les chemins n’ont pas en effet un égal trafic ; le nombre de kilomètres parcourus dans une année peut n’être pas le même pour des réseaux d’une étendue d’ailleurs pareille. Toute part faite cependant aux différences de situation, on peut admettre, sans risque d’erreur grave, qu’en moyenne le chiffre de 3,000 locomotives correspond assez exactement à celui de 10,000 kilomètres en exploitation. Or, si l’on suppose qu’en 1862 les diverses exploitations du monde embrassent de 110,000 à 120,000 kilomètres, ce qui n’est pas loin de la vérité, on ne hasarde rien en avançant que plus de 30,000 locomotives circulent à l’heure qu’il est sur notre planète. On voit que la plus simple question de détail en cette matière s’adresse à des intérêts considérables, et que la moindre amélioration trouve tout de suite un champ d’application des plus étendus[2].

Dans la seconde catégorie de l’exposition des chemins de fer, qui embrasse des véhicules de tout genre, la scène devient bien plus accessible aux yeux du public. Les perfectionnemens acquis ne se dérobent plus à son jugement par leur nature essentiellement technique. S’agit-il des wagons destinés aux voyageurs, l’amélioration est aussitôt sentie et appréciée. Singulière anomalie cependant ! l’esprit d’invention, qu’aurait semblé devoir stimuler plus immédiatement ici l’aiguillon de l’opinion publique, s’est beaucoup moins attaqué à cette branche du matériel qu’à la série des engins mécaniques de la locomotion. Au fond, le fait s’explique sans trop de peine dès qu’on se souvient que l’intérêt des compagnies n’est plus aussi vif, aussi direct dans la question. En outre dans les premiers temps, comme les trajets en chemin de fer étaient assez courts, on pouvait se contenter d’un système de voitures fort imparfait, et auquel on s’est accoutumé. Le nouveau mode de voyager comparé à l’ancien offrait tant d’avantages qu’on n’avait aucune propension à

  1. Sur ce nombre, il n’y en a que 100 d’origine étrangère.
  2. Notons que les prix tendent à fléchir ; il n’y a pas encore beaucoup d’années, on évaluait à 2 fr. 50 c. par kilogramme le prix des locomotives. Il ne serait guère possible de le fixer aujourd’hui en moyenne à plus de 1 fr. 90 c.