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de rendre Mazzini responsable de tout ce qui se fait d’exagéré dans la péninsule ; je crois que ce n’est pas juste, et que c’est commettre une erreur que de considérer comme mazzinien tout homme qui n’appartient pas au parti de Victor-Emmanuel ou à celui de la dynastie déchue. Dans tout système gouvernemental, il y a des impatiens, et les écrivains du Popolo d’Italia n’ont jusqu’à présent montré que de l’impatience. La réaction profite aussi, selon son incontestable droit, de la liberté de la presse pour faire au régime nouveau une opposition très vive. Son principal journal, la Settimana, n’ayant été soutenu que par ses propres ressources, s’est bientôt vu forcé de disparaître ; la Stella del Sud, il Cattolico, il Difensore, il Veridico, tous attachés au principe de la monarchie du droit divin, paraissent selon les besoins de la cause et un peu au hasard des subventions. Le clergé libéral a fondé la Colonna di fuoco, spécialement rédigée par des prêtres, journal qui subit dans les opinions qu’il émet les fluctuations qui troublent ses rédacteurs. À des doctrines que le libéralisme le plus ardent peut réclamer, il mêle des idées réactionnaires au premier chef ; en somme, il cherche une réforme ecclésiastique et voudrait fonder une église nationale, purement italienne et absolument détachée de Rome. Outre ces journaux qui sont les seuls dont il convient de s’occuper, il en paraît sans cesse de nouveaux qui vivent quelques jours et meurent vite d’inanition. Comme il n’existe pour la presse italienne aucune nécessité de timbre, de cautionnement, d’autorisation préalable, dès que quelqu’un croit avoir quelque chose à dire, il fonde un journal, écrit le premier numéro, le fait vendre le soir sur la voie publique, et le plus souvent s’en tient là.

En somme, autour du gouvernement de Victor-Emmanuel, il n’y a que deux partis, celui de la réaction et celui de l’action. Le parti de la réaction, c’est-à-dire le parti bourbonnien, est-il un parti sérieux et peut-il susciter au cabinet de Turin d’autres difficultés que celles du brigandage et des fausses nouvelles ? Sans hésiter, on peut répondre non ; l’on peut même affirmer, en toute sécurité de conscience, que ce parti redoute une restauration que les restaurations précédentes lui ont appris à craindre. Il est avant tout inconséquent avec lui-même ; il affiche des regrets, mais ne sait pas où porter ses espérances ; il critique les Piémontais, s’ingénie de mille façons à mettre leurs fautes ou plutôt leurs maladresses en lumière, mais il tremble à la seule idée que François II pourrait revenir, car il sait que son retour serait suivi de vengeances cruelles : 1815 et 1848 ont laissé d’ineffaçables souvenirs. De plus il sait que dans ses instructions à Borjès le général Clary, inspiré par le roi tombé, disait : « Il aura soin de ne pas admettre d’anciens officiers… Le général Borjès se verra entouré de généraux et d’officiers qui voudront servir,