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nacent également : ou les liens de dépendance qui attachent à l’état les marins de profession seront relâchés pour faciliter à nos armateurs l’équipement de leurs navires, — ou, notre état d’infériorité s’aggravant par les charges de l’inscription maritime, notre navigation marchande sera dans l’impossibilité de soutenir la lutte et sera remplacée par les marines étrangères. Dans ce cas, le recrutement de la flotte deviendra plus difficile.

Déjà notre inscription maritime n’est pas populaire. Il ne faut qu’un prétexte pour qu’elle soit violemment attaquée, pour qu’on réclame en faveur des habitans du littoral le bénéfice du droit commun. — Pourquoi, dira-t-on, ne pas les assimiler, lorsqu’ils montent nos vaisseaux, aux hommes que lève la conscription ? Si le recrutement de l’armée de mer était le même que celui de l’armée de terre, on doublerait et triplerait le personnel naval. On n’ose pas encore poser nettement cette proposition, mais elle se fait pressent tir. Pour soulager notre marine marchande, on se borne, quant à présent, à demander que les inscrits soient complètement libérés à trente-deux ans au lieu de l’être à cinquante ans. Se rend-on bien compte de la portée de cette modification à notre inscription maritime ? En ce moment, notre effectif, pris sur les registres des classes, est de 151,000 hommes ; mais il faut en déduire les mousses, les capitaines au cabotage, les pilotes, enfin les hommes qui ont plus de quarante ans et considérés comme incapables de rendre de bons services à la mer. Il en résulte que les marins de vingt à quarante ans, sur lesquels porte la levée permanente, sont au nombre de 68,000, auxquels on peut ajouter 2,000 officiers mariniers. Si on réduisait à trente-deux ans la limite d’âge pour le service de la flotte, on perdrait à peu près le tiers des 68,000 hommes disponibles, et nous n’aurions pour monter les vaisseaux de l’état que 44,000 hommes environ. Croit-on que ce sacrifice puisse se faire sans porter un coup mortel à notre puissance navale, sans amoindrir sensiblement notre influence politique ?

D’après des renseignemens puisés à bonne source, quoique notre budget pour 1862 n’ait prévu que 26,366 hommes embarqués, notre personnel à bord des vaisseaux de guerre était au 1er juillet dernier de 47,723 hommes. À la même époque, on comptait dans les équipages de la flotte 6,200 hommes au lieu de 4,160 votés pour le présent exercice. Ainsi, avec les seules expéditions de la Cochinchine et du Mexique, nous n’aurions pas été en mesure de pourvoir à nos armemens, si la réforme dont il est question avait été accomplie.

En cas d’urgence, pourrait-on se fier aux engagemens volontaires et reprendre les hommes valides âgés de plus de trente-deux ans, comme quelques personnes l’ont prétendu ? Quant à nous, nous n’aurions pas confiance dans un pareil moyen. L’Angleterre, qui est obli-