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toute sécurité. La faculté de faire le cabotage, qui nous était acquise, nous a été enlevée par de simples lois de douane en 1821 et 1822, absolument comme s’il n’existait aucun lien de droit international qui limitât à ce sujet le pouvoir législatif du gouvernement espagnol. Ainsi, pendant que la France exécute encore les stipulations corrélatives qui obligent les deux pays l’un envers l’autre, l’Espagne les méconnaît et agit comme si elle était libre de tout engagement. Depuis bien des années, les chambres de commerce réclament contre cet état de choses ; plusieurs fois leurs griefs ont retenti dans nos assemblées politiques. À différentes reprises, des négociations ont été entamées et poursuivies avec obstination ; mais l’obstination espagnole l’a toujours emporté sur notre bon droit. Nous avons donc encore sous les yeux le singulier spectacle de la France qui se considère comme liée vis-à-vis de l’Espagne par une convention que l’Espagne affecte de ne pas vouloir exécuter !


V.

Nous avons épuisé le questionnaire et analysé aussi exactement que nous l’avons pu les dépositions qu’il a provoquées. Après cette discussion de détail, il importe d’arriver à quelques vues d’ensemble.

Toutes les fois que les délégués ont signalé l’état peu florissant de notre marine, on leur a répondu par un chiffre qui contredisait victorieusement leur assertion. « De quoi vous plaignez-vous ? leur a-t-on dit ; jetez les yeux sur les tableaux statistiques publiés par le ministère du commerce, et vous verrez que de 1850 à 1862, dans l’espace de douze ans, le mouvement de notre navigation s’est élevé de 688,000 tonneaux à 1,026,000 tonneaux, c’est-à-dire qu’il a progressé de près de 40 pour 100. »

Le progrès qu’on nous signale est-il réel ? En le supposant tel, est-il en proportion avec le progrès accompli dans toutes les branches de l’activité du pays pendant la même période ? Notre infériorité vis-à-vis de l’Angleterre, de la Hollande et des États-Unis est-elle moins sensible ? Les élémens nous manquent pour résoudre ces questions ; mais un événement tout exceptionnel s’est produit pendant les douze dernières années, auquel il faut attribuer, plutôt qu’à une cause normale, l’accroissement de notre navigation. Nous voulons parler de la guerre de Crimée, qui, survenant au même moment qu’une mauvaise récolte, a renchéri le fret, provoqué de nouvelles constructions et imprimé plus d’activité à notre pavillon. Les faits que nous allons citer justifieront notre observation et rédui-