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qu’ils ont articulées contre la marine espagnole, qui s’empare du cabotage sur nos côtes, notamment sur celles de la Méditerranée, M. le ministre du commerce s’est borné à répondre que son collègue le ministre des affaires étrangères avait engagé au mois d’octobre 1861, avec le cabinet de Madrid, une négociation qui n’avait pas abouti.

Rien de plus étrange et de moins fier que notre position vis-à-vis de l’Espagne. Nous avons avec elle une convention beaucoup plus large et plus libérale qu’avec toute autre puissance. Connue sous le nom de pacte de famille, elle fut signée à Paris le 15 août 1761. Elle contient les articles suivans : « Les sujets des hautes parties contractantes seront traités, relativement au commerce et aux impositions, comme les propres sujets du pays où ils seront en passage ou en résidence, de sorte que le pavillon espagnol jouira en France des mêmes droits et prérogatives que le pavillon français, comme le pavillon français à son tour sera traité en Espagne avec la même faveur que l’espagnol. Les sujets des deux monarchies paieront les mêmes droits qu’ils paieraient s’ils étaient naturels, et cette même égalité s’observera en ce qui touche la liberté d’importation et d’exportation, sans qu’on doive payer d’une ou d’autre part plus de droits que ceux qui sont perçus sur les propres sujets de chaque souverain, ni déclarer objets de contrebande pour les uns ceux qui ne le seraient pas pour les autres. En outre il est bien entendu qu’aucune autre puissance ne jouira, ni en France ni en Espagne, de privilèges plus avantageux que ceux des deux nations. »

Depuis, plusieurs conventions sont intervenues, mais elles laissent subsister la déclaration que nous rappelons, et n’ont d’autre but que d’en préciser les termes trop généraux[1]. Est-il survenu postérieurement quelque acte diplomatique qui ait annulé ces conventions ? Non, bien au contraire : en deux circonstances solennelles, l’Espagne s’est fait un devoir de les consacrer de nouveau, dans le traité de Bâle en 1795, et à la paix de Paris le 20 juillet 1814[2]. Nous n’analyserons pas les différentes mesures d’administration et de législation par lesquelles le gouvernement espagnol a annulé en fait nos traités avec lui ; nous nous bornerons à dire que non-seulement nous ne jouissons d’aucun des avantages qui nous étaient promis, mais que nos relations commerciales avec la péninsule espagnole sont livrées à un arbitraire qui leur ôte toute règle comme

  1. Conventions de 1768, 1774 et 1786.
  2. À la paix de Paris, le roi Ferdinand a renouvelé son adhésion dans les termes suivans : « Il sera conclu le plus tôt possible un traité de commerce entre les deux puissances, et jusqu’à sa conclusion les relations commerciales entre les deux peuples seront rétablies sur le même pied où elles étaient en 1792. »