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III

Quelle a été l’influence de la législation douanière sur notre marine marchande ? Cette question devait, dans l’enquête, soulever les plus vives réclamations. Nous avons déjà fait connaître les mesures prises depuis 1860, qui ont profondément changé les droits de navigation. La première de toutes fut la suppression de la surtaxe d’entrepôt. Avant les réformes douanières, cette surtaxe était calculée de manière à favoriser l’importation des lieux de production et à conserver à notre marine le transport direct. Quoique moins élevée sur nos tarifs que la surtaxe de provenance d’origine, elle l’était plus en fait, car la marchandise tirée des entrepôts avait de plus à supporter des frais d’escale, d’embarquement et de débarquement. D’accord avec le gouvernement, et à l’occasion de la loi du 5 mai 1860, le corps législatif a supprimé, à titre d’essai, la surtaxe d’entrepôt[1]. Cette expérience a-t-elle donné de bons résultats ? Non, disent les représentans des ports, et à l’appui ils signalent quelques faits qui, selon eux, sont des symptômes alarmans. Avant cette suppression, les jutes de l’Inde n’arrivaient en France que par bâtiment national. En 1860 et 1861, il en fut importé 35 à 36,000 balles, soit environ 8,000 tonneaux de mer. Sous la nouvelle législation, notre marine n’a plus transporté que 6,400 balles venant directement de l’Inde, 16,000 l’ont été par bâtimens étrangers, et le surplus de notre consommation nous a été fourni par les entrepôts anglais[2]. La possibilité de réexpédier cette marchandise sur la France a nui à nos armateurs et a profité aux Anglais, qui en ont accumulé des quantités chez eux, certains de nous les adresser au fur et à mesure de nos besoins[3] ; mais cette importation est insignifiante, dit-on, et ne mérite pas d’entrer dans la discussion[4]. Continuons donc l’analyse des faits.

Nous avons reçu directement par navires français, dans l’année qui a précédé la réforme, 87,781 balles de riz. À la suite de la mauvaise récolte de 1861, cette importation s’est élevée à 172,000 balles ; mais sur ce chiffre, malgré la surtaxe de 18 francs par tonne, la part du pavillon étranger a été de 107,000 balles, et la nôtre seu-

  1. Déposition de M. Arman, délégué de la chambre de commerce de Bordeaux et député.
  2. Déposition de M. Chalès, délégué de la chambre de commerce de Bordeaux.
  3. C’est ainsi que le stock, qui était en Angleterre de 189,000 quintaux métriques en 1861, s’est élevé en 1862 à 248,287 quintaux.
  4. Cette observation est de M. le ministre du commerce, qui discute volontiers avec les déposans.