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ans, 312 francs 50 centimes, et ceux pour huit ans, 202 francs[1]. Le Canada fournit à l’Angleterre des navires de peu de durée, il est vrai, mais bien moins chers que ceux de dernière classe qu’elle construit chez elle. Ses ateliers ont un outillage complet, de grands approvisionnemens de bois et de matériaux, grâce aux capitaux dont l’Angleterre dispose. On cite un constructeur à l’embouchure de la Tyne qui a créé, comme auxiliaires de son industrie, de hauts fourneaux de mine de fer à cinquante milles seulement de son établissement. Des bateaux à hélice, construits par lui, amènent en moins de deux heures des minerais de Stuith et du combustible qui ne lui coûtent que les frais d’extraction. Il est tout à la fois producteur et consommateur, et emploie la fonte qu’il a transformée en fer dans ses fourneaux. En Amérique, dans les chantiers de Boston, de Baltimore, de New-York et de la Delaware, on obtient à des prix de 25 à 30 pour 100 inférieurs à ceux de France et d’Angleterre (le Canada excepté) les navires de moyenne et de grande capacité propres au long cours[2]. En Danemark, en Prusse, en Russie, où la main-d’œuvre coûte moins que chez nous, on construit avec le sapin du sol, dont la rigidité et la durée sont renommées, des bâtimens qui, sans doublage en métal, ne reviennent que de 130 à 140 francs le tonneau.

On pourrait croire, par les prix que nous venons de citer, que pour la construction des navires de première classe nous ne payons pas plus cher que les Anglais ; mais il faut remarquer que les bâtimens de cette catégorie construits chez eux avec les bois compactes de leurs possessions de l’Inde et de l’Afrique, chevillés et doublés avec du fer et du cuivre qu’ils emploient dans une plus grande proportion que nous, durent dix-huit et vingt ans, tandis que l’existence des nôtres ne dépasse pas douze ans en moyenne. De là une différence en leur faveur dans la somme affectée à l’intérêt et à l’amortissement qui fait disparaître cette prétendue égalité de prix.

Les causes de notre infériorité sont nombreuses. — En première ligne, nous mentionnerons les droits de douane qui pèsent sur la plupart des matières et des objets qui servent à la construction et à l’armement des navires. De ce seul chef, on calcule que les chaînes, les ancres, le clouage, le chevillage et le doublage nous reviennent de 25 à 38 pour 100 plus cher qu’aux Anglais[3]. Aussi tous les délégués des ports ont-ils demandé le rétablissement du décret du 17 octobre 1857, qui permettait l’entrée en franchise de tous ces objets.

Une autre cause de cherté, c’est l’immatriculation des ouvriers

  1. Revue maritime et coloniale, juillet 1862.
  2. Mémoire de la chambre de commerce de Morlaix (1862).
  3. Ibid.