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de l’indépendance, et dans cette période plus récente qui date de l’émancipation définitive des anciennes possessions espagnoles transformées en républiques. L’histoire est complète ; elle remonte à la bulle fameuse du pape Alexandre VI qui consacrait la domination des rois catholiques dans le Nouveau-Monde, elle ira jusqu’aux actes les plus récens, et elle est précédée d’un tableau aussi net que substantiel de l’Amérique du Sud dans sa constitution actuelle, dans son mouvement croissant et dans ses rapports de toute nature avec l’ancien monde.

Ce n’est pas tout à fait sans raison assurément que l’auteur se plaint de l’ignorance où l’on vit dans notre monde ancien de tout ce qui se passe au-delà de l’Atlantique, et cette ignorance, il l’attribue à des causes diverses, — à ce qu’il y a de généralement superficiel dans l’enseignement européen sur l’histoire et la géographie de l’Amérique, à l’absence d’organes spéciaux qui s’occupent sérieusement d’éclairer l’Europe sur ses intérêts réels en lui faisant connaître le développement rapide de ces contrées nouvelles, et enfin aux récits fantastiques de quelques voyageurs qui défigurent la réalité » L’auteur pourrait ajouter une autre cause, les guerres civiles, qui, par leur fatigante mobilité, obscurcissent tout en même, temps qu’elles jettent des élémens incessans de perturbation dans les rapports de l’ancien monde avec le nouveau. Et cependant il est certain qu’il n’est pas pour la civilisation de théâtre comparable en richesse et en immensité à ce vaste continent de l’Amérique latine, qui a une étendue de 390,460 milles carrés géographiques, où il y a un empire, le Brésil, aussi grand que l’Europe, où cette république avec laquelle nous sommes en guerre, la république mexicaine, est deux ou trois fois plus étendue que la France, et où le plus petit état a le territoire d’un royaume très respectable. De plus, s’il est bien vrai qu’il y ait une immense et choquante disproportion entre cette étendue territoriale et la population, qui pour toute l’Amérique n’est pas de beaucoup supérieure à celle de la France, s’il y a une singulière incohérence dans cette population, si les guerres civiles, sans cesse renouvelées, sont aussi funestes aux intérêts qu’à la formation d’un ordre politique régulier, il n’y a pas à s’y méprendre, il ne s’accomplit pas moins dans ces contrées agitées un mouvement de civilisation croissant d’année en année, se manifestant sous toutes les formes, et ici les chiffres ont leur éloquence. En réalité, à n’observer que ce signe, le commerce sud-américain s’est développé depuis quelques années dans des proportions imprévues ; il s’est élevé récemment, pour l’ensemble des états indépendans de l’Amérique du Sud, à plus de 2 milliards de francs. Ce qu’il y a de caractéristique d’ailleurs, et ce que M. Calvo met justement en lumière, c’est la part croissante de la France dans ce mouvement d’échanges. Un jour, il y a onze ans, à l’occasion d’une intervention dans le Rio de la Plata, un homme d’état d’un esprit lumineux et pénétrant, M. Thiers, signalait dans l’assemblée législative de cette époque l’importance particulière des relations de la France avec l’Amérique du Sud, non-seulement au point de vue du chiffre du commerce, qui était dès lors de 150 millions, et qu’il considérait comme devant s’élever à 200 millions, mais encore au point de vue de la navigation. Il montrait la marine marchande française n’ayant qu’un rôle très secondaire dans les relations commerciales avec les États-Unis, et ayant au contraire la première, la plus