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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 août 1862.

Des déplorables issues que pouvait avoir l’entreprise désespérée de Garibaldi, c’est la moins fâcheuse qui s’est réalisée. Sans doute on a laissé éclater un grand mal ; sans doute un douloureux déchirement s’est opéré dans cette cause italienne, qui s’était, jusqu’à ces derniers temps, présentée au monde avec un rare caractère d’harmonie ; sans doute l’on a été obligé de recourir à ces expédiens de salut public qui sont de tristes remèdes à employer, dans un pays qui aspire à consolider son indépendance et à- constituer son unité par la liberté ; sans doute les provinces méridionales, c’est-à-dire la moitié de l’Italie, sont soumises à l’état de siège ; sans doute le sang italien a été répandu par des mains italiennes. Même en regrettant ces malheurs, les patriotes italiens et les libéraux de l’Europe peuvent se féliciter du moins que le mal ait été restreint dans les plus étroites limites possibles, que la crainte du péril ait été plus grave que le péril même, que la crise dont la durée eût pu dissoudre le nouveau royaume ait été courte. Quant aux libéraux français, ils ont un motif particulier de se réjouir de la prompte fin de cette aventure. Notre bonne fortune nous a préservés de la pire conséquence de l’occupation de Rome. Le point d’honneur de nos armes n’a pas été mis à l’épreuve dont il était menacé ; la France n’est plus placée dans cette contradiction fatale où elle ne pouvait remplir, les devoirs d’une consigne militaire qu’en faisant souffrir les principes politiques qu’elle représente dans le monde ; nos troupes ne seront point compromises avec les démonstrations révolutionnaires d’une passion nationale. Du même coup nous échappons à l’ascendant d’un mouvement réactionnaire dont les symptômes n’étaient que trop visibles, et dont un journal récemment créé par un écrivain qui est sénateur prenait la direction avec un singulier entrain. C’est pour le libéralisme français un soulagement immense. Un double malheur est épargné à la France et à l’Italie ; nous croyons qu’il nous, est permis d’en exprimer avec une tristesse décente notre satisfaction.