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qu’on n’y ait pas encore conduit les eaux excellentes qui coulent avec tant d’abondance du haut de Monte-Briano, qui alimentent les cascades des jardins de Caserte, et qu’un aqueduc amènerait si facilement jusqu’au milieu de Naples. Naples a déjà le soleil et la mer ; le jour où on lui donnerait l’air et l’eau, ce serait une ville sans seconde pour la salubrité. Ce ne serait ni coûteux ni malaisé ; pourquoi donc ne l’a-t-on pas encore fait ? J’en ai déjà donné la raison plus haut, c’est parce qu’aujourd’hui la question administrative disparaît naturellement devant la question politique.

La police, — et j’entends donner à ce mot sa vieille et sérieuse acception : protection de la ville, — doit jouer un rôle considérable à Naples si, comme je le crois, le gouvernement italien est décidé à réprimer les abus que l’ancien régime tolérait toujours et encourageait quelquefois. Des dépôts de mendicité sont indispensables dans cette cité populeuse où l’on est mendiant de père en fils, par profession, sans honte et même avec plaisir ; de l’aveu même des Napolitains les plus amoureux de leur ville, la mendicité est une plaie qui la déshonore. Vers 1842, le roi Ferdinand avait promis de fonder quatre grands établissemens de refuge pour les pauvres, le premier à Naples, le second dans la Terre de Labour, le troisième dans le Principat-Supérieur, le quatrième à Bari. Malheureusement il en fut de ce projet comme de tant d’autres sous le même règne, il ne fut jamais exécuté. Les seuls dépôts qui existent à présent dans les provinces napolitaines sont l’Albergo dei Poveri à Naples et deux autres établissemens analogues, l’un dans l’Abruzze ultérieure seconde, l’autre dans la Terre de Labour. Au commencement de cette année, la préfecture de Naples, sérieusement émue par la quantité innombrable de pauvres qui vaguaient par la ville, fit arrêter la plus grande partie des mendians, les classa en diverses catégories, renvoya dans leurs provinces ceux qui n’appartenaient pas à Naples même, traduisit devant les tribunaux sous l’accusation de vagabondage ceux que nulle infirmité ne rendait invalides, et fit distribuer les impotens, les vieillards, les infirmes dans différens établissemens de bienfaisance ; mais cette mesure, excellente en elle-même, n’eut pas tout le résultat qu’on pouvait espérer. Les établissemens n’étaient point assez vastes ni suffisamment fournis pour recevoir et alimenter des hôtes si nombreux ; puis les vagabonds reprirent instinctivement leur vie ancienne dès qu’ils furent quittes des peines qu’ils avaient encourues. En attendant l’heure où ce peuple aura pris l’habitude du travail en devenant plus instruit, le gouvernement et les municipes des provinces napolitaines devraient s’entendre pour construire de grands asiles où seraient recueillis tous les fainéans qui ne vivent que de mendicité. Les remarquables colonies de mendians que la