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disséminées, et où le contrôle fiscal coûterait plus que ne rapporteraient les contributions. L’urgence d’obtenir des ressources plus certaines et plus abondantes était généralement sentie. À l’encontre de ce qui se passe en Europe, où les gouvernemens ont toujours à lutter pour faire accepter des charges nouvelles, l’inauguration d’un large système d’impôts était impérieusement commandé en Amérique par le bon sens public.

La contribution foncière votée pour trois ans en 1861 a clone été suspendue indéfiniment, et remplacée par un impôt plus général destiné « à procurer au gouvernement des ressources à l’intérieur. » Tel est le tax-bill proposé au congrès le 3 mars 1861, voté à l’unanimité, comme un acte de dévouement national, le 23 juin, et qui a dû entrer en exécution le 1er août. À voir cette longue liste, qui comprend plus de cinq cents articles, et qui atteint presque toutes les transactions, presque tous les actes de l’existence, bien des gens à Londres et à Paris ont pris en pitié ces pauvres Américains, qui leur paraissaient écrasés sous le joug d’une insupportable fiscalité. Au fond, le tax-bill n’est pas aussi rigoureux qu’il en a l’air : c’est une combinaison très indigeste des impôts dont se composent les budgets de France et d’Angleterre, mais avec des atténuations où se révèle le génie vraiment démocratique des Américains.

On ferait aisément rentrer cette taxation embrouillée dans les cadres de notre fiscalité en la ramenant à cinq catégories : impôts sur le revenu, droits d’enregistrement et de timbre, licences et patentes, taxes sur les produits industriels, taxes sur les consommations domestiques. L’impôt sur le revenu diffère de l’income-tax anglais en deux points : il exempte complètement, même chez le riche, toute la partie du revenu au-dessous de 3,000 francs, et en second lieu il est progressif dans la proportion de 3 à 7 1/2 pour 100. Par exemple, en Angleterre, où la limite d’exemption est 2,500 fr., un contribuable taxé à 3 pour 100 et possédant 5,000 fr. de revenu paierait 150 francs ; au-dessus de 50,000 francs, il paierait 1,500 francs, et au-dessus de 250,000 francs il paierait encore, au même taux de 3 pour 100, 7,500 francs. En Amérique, l’homme gagnant 5,000 francs sera exempté pour 3,000 et paiera pour le reste, à 3 pour 100, 60 francs seulement ; mais à 51,000 francs il paiera 5 pour 100 sur 28,000, soit 2,400 francs ; à 251,000 francs, il paiera, à raison de 7 1/2, sur 248,000, soit 18,600 francs. Ces différences fiscales sont à noter : ce sont des traits de mœurs qui caractérisent deux sociétés.

Les taxes correspondant à nos droits de timbre et d’enregistrement paraissent en général un peu moins fortes que chez nous. Les droits de succession, échelonnés en France jusqu’à 10 pour 100, ne dépassent pas 5 en Amérique. Les contrats hypothécaires sont atteints