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verre à boire intact, autour duquel des pampres bleus serpentent en relief, on n’y peut signaler que d’utiles documens, soit sur la vie privée et les usages domestiques, soit sur l’état de l’industrie chez les anciens. La grandeur, la transparence plus ou moins irisée, les formes plus ou moins bizarres, l’état de conservation de chaque pièce, voilà ce qui donne ici matière aux observations. Nous nous abstiendrons donc, en nous contentant d’affirmer qu’à moins d’aller à Naples, nulle part on ne saurait trouver un choix aussi complet et aussi remarquable de cette sorte de monumens.

Mais s’il suffit d’un coup d’œil pour parcourir ces trois vitrines, quel temps nous faudrait-il si nous voulions dire au lecteur tout ce qu’il y a d’élégance, de grâce, d’ingénieuse invention, de perfection presque incompréhensible dans ces soixante-quatre écrins disposés en cercle, sur deux rangs, au centre de ce grand salon ! Il n’est pas un de ces bijoux qui ne mérite un regard, un regard attentif, et souvent une étude. Chacun de ces diadèmes, de ces colliers, de ces pendans d’oreilles, la moindre de ces bagues, la plus simple de ces fibules, est une œuvre considérable, qu’on nous passe le mot, une œuvre d’art, une composition savante qui a droit à notre admiration, tantôt par l’infinie variété des détails, l’imperceptible finesse de ces méandres granulés, prodiges de ciselure et de soudure, dont d’ingénieux imitateurs n’ont encore retrouvé qu’en partie le secret, tantôt par la simplicité et la sobriété incomparables des contours et du style. Et ce ne sont pas seulement des leçons de bon goût que ces bijoux nous donnent, ce sont presque des leçons d’histoire Autant les grandes salles tapissées de tableaux que nous venons de traverser nous en ont peu appris sur l’art italien du XVe et du XVIe siècle, autant ces petits écrins et ces parures de femmes nous aident à comprendre et à sentir l’antiquité. Voilà des monumens qui disent quelque chose, qui ont vraiment un langage. Toute une civilisation se révèle dans ces splendides futilités. On peut dire qu’elles évoquent et font revivre devant nous l’étrange état de société qui les a fait éclore.

Et maintenant si vous entrez dans la salle voisine ; si de l’or vous passez à l’argile, vous retrouvez même élégance, même délicatesse, même richesse d’invention, même luxe de détails, même chasteté de style., La matière n’y fait rien, l’art est partout le même, aussi pur, aussi fin, presque aussi raffiné dans la demeure la plus modeste que dans le plus somptueux palais. Il sait s’abaisser sans déchoir, se prêtant à tous les usages, ennoblissant tout ce qu’il touche. Son esprit et ses traditions remplissent cette société, la possèdent et la vivifient. Il en est l’âme ; lui seul, il la soutient, il la relève et la console.

La sculpture de terre cuite, si humble de matière, de travail si