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un établissement maritime qui, à un moment donné, puisse servir de refuge à ses flottes et lutter avantageusement contre les ports militaires où l’Autriche s’est fortifiée en Croatie et en Dalmatie. Or à cette heure l’Italie ne possède en réalité qu’un seul port sur son rivage oriental, c’est Ancône. Il est à craindre qu’on ne puisse jamais en faire un port de premier ordre, et que, malgré les travaux qu’on y exécute, il ne soit jamais capable de contenir une grande flotte ; l’ancrage y est actuellement impossible pour les vaisseaux de haut bord qui ont trente mètres de tirant d’eau, car la mer n’y a nulle part plus de vingt-six mètres de profondeur ; les vents du nord et du nord-est y sont dangereux ; tout y est à créer, et les bois de construction sont loin qui pourraient alimenter les chantiers. Il existe dans les provinces napolitaines un emplacement que la nature semble avoir disposé à dessein pour servir de port aux flottes de l’Italie ; je veux parler du lac Varano, situé en Capitanate, à l’éperon même de la botte. Séparé de la mer par une langue de terre de cinq cents pas de large, il a trente-sept milles de circonférence, dix de longueur et sept de largeur ; il offre partout un mouillage de plus de trente-cinq mètres, il est indiqué de loin par l’énorme sommet du Monte-Gargano, chargé de forêts mûres pour l’exploitation, où l’on trouverait tous les élémens de constructions maritimes, depuis le bois jusqu’au goudron ; la pyrite de fer abonde dans les terrains environnans ; à la fois port et rade, il serait par le fait la clé de l’Adriatique[1]. Il suffirait d’ouvrir son rivage pour avoir un admirable établissement maritime, assez éloigné dans les terres pour être à l’abri des vents, et auquel la grève qui le sépare actuellement de la mer servirait de jetée naturelle et indestructible. De quelle utilité ne serait pas un port semblable, trouvant tous ses ravitaillemens autour de lui-même, dans le cas d’une guerre avec l’Autriche : , dans le cas où la liquidation de la question d’Orient entraînerait l’Italie dans une conflagration générale ! Placé directement en face de Naples, il serait facilement relié au golfe napolitain par un chemin de fer qui servirait au transit des marchandises destinées à la côte occidentale de l’Adriatique, à la Grèce, aux îles de l’Archipel et à la Turquie.

La plupart des vastes travaux dont je viens de parler ne sont encore que des projets qui n’ont pas reçu commencement d’exécution, et déjà cependant la seule influence de la liberté apportée par le statut piémontais a, dans bien, des endroits, changé la face du pays. « L’aspect des villes dans l’Ombrie et dans les Marches est celui de villes qui viennent de naître à une vie nouvelle,. Quand on a traversé le Tibre, la scène change : en entrant dans les états pontificaux, nous entrons dans le désert. » Cette observation de sir John Hudson

  1. Porto di Varano ; Idée di G. Aurelio Lauria. Naples, mai 1862.